Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/197

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« Je ne m’en mêlerai pas, dit l’autre. — Avez-vous donc un cœur de poule, Jack ? — Non, par Dieu, pas plus que vous, mais je ne le veux pas. C’est quelque chose de semblable qui a arrêté tout le commerce, il y a environ vingt ans : vous avez entendu parler du saut du jaugeur ? — Oui, j’ai entendu (il indiqua le cadavre par un signe de tête) parler de ce coup-là. Dieu, comme il riait en nous montrant comme il l’avait fait sauter du haut du rocher ! — Oui, mais il fit sauter le commerce en même temps, dit Jack. — Comment cela ? demanda l’autre brigand. — Comment ? on eut peur, et on ne voulut plus entendre parler de trafic ; on lança tant de mandats, que… — Tout cela est bon, dit l’autre, mais nous le rattraperons un beau soir, et tout ira bien. — Mais, dit un deux, voilà Meg endormie. Elle devient craintive, elle a peur de son ombre. Elle chantera[1] quelques-unes de nos vieilles farces, si vous n’y prenez garde. — Il n’y a rien à craindre, dit le vieux Égyptien ; Meg est fidèle ; c’est la dernière de la troupe qui ferait un écart. Mais elle a des manies, et elle lâche souvent des paroles qui s’en ressentent. »

Ils continuèrent à s’entretenir dans ce jargon, auquel Brown ne pouvait rien comprendre, l’accompagnant de mouvements de tête et de gestes significatif pour eux, mais sans jamais exprimer distinctement ou dans un langage clair le sujet de leur conversation. À la fin l’un d’eux voyant Meg profondément endormie, ou qui paraissait l’être, dit à un des jeunes gens d’apporter Pierre Lenoir, afin qu’on l’ouvrît. Le brigand sortit et rapporta une valise que Brown reconnut à l’instant pour la sienne. Ses pensées se portèrent immédiatement sur l’infortuné postillon qu’il avait laissé avec la voiture. Les brigands l’avaient-ils assassiné ? Ce doute horrible augmenta encore le trouble de son esprit. Il était comme un malheureux à l’agonie ; et, redoublant d’attention, tandis que les voleurs vidaient sa valise et examinaient ses habits et son linge, il prêtait l’oreille avec anxiété pour entendre quelque mot qui pût lui apprendre le sort du postillon. Mais les coquins étaient trop contents de leur prise et trop occupés du contenu de la valise pour entrer dans les détails sur la manière dont ils se l’étaient procurée. Elle renfermait divers habillements, une paire de pistolets, un portefeuille en cuir avec quelques papiers, et de l’argent, etc. Dans toute

  1. Chanter ou siffler en cage se dit, observe l’auteur, lorsqu’un voleur qui est pris accuse ses camarades. a. m.