Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/216

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était noirci avec de la poudre, sans doute parce qu’il était hors d’état d’être transporté : il mourut une demi-heure après. En examinant le corps, on le reconnut pour celui d’un mauvais sujet du voisinage, notoirement connu pour un braconnier et un contrebandier. Nous reçûmes plusieurs messages de félicitations de la part des familles des environs, et il fut généralement reconnu que quelques exemples d’une résistance aussi énergique rabattraient beaucoup de la présomption de ces hommes sans loi. Mon père distribua des récompenses à ses domestiques et éleva jusqu’aux nues le courage et le sang-froid d’Hazlewood. Lucy et moi eûmes part à ses éloges, parce que nous avions soutenu le feu avec fermeté, et ne l’avions pas troublé par nos cris et nos plaintes. Quant à Dominie, mon père profita de cette occasion pour lui proposer de changer de tabatière avec lui : l’honnête Sampson en fut très flatté et s’extasia grandement sur la beauté de sa nouvelle tabatière, qui, dit-il, paraissait être de véritable or d’Ophir. En vérité, il serait bien singulier qu’il n’en fût pas ainsi, puisque véritablement elle est de ce métal. Mais, pour rendre justice à cette honnête créature, elle connaîtrait la valeur réelle de cet objet qu’elle n’aurait pas plus de reconnaissance pour la preuve d’amitié que venait de lui donner mon père, lors même que cette boîte ne serait qu’en similor comme le pauvre Dominie se l’imagine. Il a eu une rude besogne à replacer les in-folio qui avaient été employés aux barricades, à effacer les plis et les oreilles, et à réparer les autres dommages qu’ils ont soufferts dans cette mémorable circonstance. Il nous a rapporté des morceaux de plomb et des balles que les pesants volumes avaient interceptés pendant l’action, et qu’il en avait extraits avec un soin infini. Si j’étais en gaîté, je vous ferais un tableau comique de son étonnement en voyant l’indifférence avec laquelle nous écoutions le récit des blessures et des mutilations souffertes par Thomas d’Aquin, ou le vénérable Chrysostome ; mais je ne suis pas disposée à rire, et j’ai encore un incident plus intéressant à vous raconter : mais je me sens si fatiguée en ce moment, que je dépose la plume jusqu’à demain. Je vais cependant faire partir cette lettre ; elle vous empêchera de concevoir des inquiétudes au sujet de votre

« Julia Mannering. »