Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/233

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Ellangowan lui-même, dans les anciens temps… — Bien, bien, dit Glossin, les détails sont inutiles, venez à l’essentiel. — Volontiers. Nous nous assîmes donc, en dégustant de l’eau-de-vie que je lui avais dit vouloir acheter, jusqu’à ce qu’il arrivât. — Qui ? — Lui ! » répliqua-t-il en tournant son pouce vers la cuisine où le prisonnier était gardé. « Il avait son manteau autour de lui, et je me dis en moi-même qu’il était sans doute bien armé. Je jugeai donc qu’il fallait lier conversation avec lui ; il me prit pour un homme de l’Ile de Man, et je me plaçai entre l’hôtesse et lui, de peur qu’elle ne l’avertît de ce que j’étais. Nous nous mîmes à boire : je gageai qu’il n’avalerait pas un quart de pinte d’eau-de-vie de Hollande sans prendre haleine… Il le fit… Justement alors arrivèrent Slouling Jack et Dick Spur, et nous lui mîmes les menottes ; il se laissa faire, doux comme un agneau, et maintenant qu’il a dormi un somme, il est frais comme une marguerite de mai, pour répondre à ce qu’il plaira à Votre Honneur de lui demander[1]. » Ce récit, débité avec une prodigieuse quantité de gestes et de grimaces, attira à son auteur les remercîments et les éloges auxquels il s’attendait.

« N’avait-il pas d’armes ? demanda le juge de paix. — Si vraiment. Ces gens-là ne sont jamais sans sabre et sans pistolets. — Et des papiers ? — Les voici ; » et il présenta un porte-feuille excessivement sale.

« Descendez, Mac-Guffog, et attendez mes ordres. »

Mac-Guffog sortit. Sitôt après, on entendit le bruit des chaînes sur l’escalier, et au bout de deux ou trois minutes, un homme garrotté des pieds et des mains fut introduit. Il était petit, ramassé, nerveux ; et quoique sa chevelure épaisse et grisonnante indiquât un âge assez avancé, peu d’hommes auraient osé lutter corps à corps avec lui. Sa figure dure et sauvage était encore échauffée et ses yeux animés par l’excès de boisson qui avait facilité sa capture. Mais le sommeil que Mac-Guffog lui avait permis de goûter pendant quelques instants, et plus encore le sentiment de sa périlleuse situation, lui avaient rendu le complet usage de ses facultés. Le digne juge et son non moins estimable prisonnier se considérèrent attentivement l’un l’autre, pendant long-temps, sans prononcer une parole. Glossin, sans doute, reconnaissait cet homme ; mais il ne sa-

  1. Dans l’anglais, tout ce passage est mêlé de termes d’argot qu’il serait impossible de traduire en français par des expressions correspondantes. a. m.