Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/272

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rais, dit-il, quoique bien faiblement, découvrir le moyen d’établir incontestablement ses droits à la propriété de Singleside ; mais mes recherches ont été infructueuses. La vieille dame était certainement propriétaire absolue et incommutable ; elle pouvait disposer de ses biens. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est que le diable ne lui aura pas suggéré de révoquer ce testament, qui est inattaquable. Vous assisterez demain à ses funérailles ; vous recevrez une invitation pour cela, car j’ai averti son agent que vous êtes ici pour représenter miss Bertram. Je vous rejoindrai à la maison mortuaire pour assister à l’ouverture du testament, spectacle quelquefois digne d’être vu. La vieille dame avait chez elle une jeune orpheline, sa parente, qui lui servait de domestique ou à peu près. J’espère qu’elle lui aura assuré un sort en considération de la peine forte et dure[1] qu’elle lui a fait subir durant sa vie. »

Trois messieurs arrivèrent en ce moment : ils furent présentés au colonel. C’étaient des hommes sensée, aimables et instruits : aussi la soirée se passa fort agréablement, et Mannering resta jusqu’à huit heures, fêtant la bouteille de son hôte, laquelle n’était pas de petite taille. À son retour à l’auberge, il trouva une carte d’invitation pour les funérailles de mistress Marguerite Bertram de Singleside : le convoi devait partir pour le cimetière des Frères-Gris, à une heure de l’après-midi.

À l’heure indiquée, le colonel se dirigea vers le faubourg du sud. Il découvrit aisément la maison de la défunte en voyant deux figures sinistres qui se tenaient devant la porte, selon la coutume en Écosse, vêtues de longs manteaux noirs avec des crêpes et des galons blancs, tenant à la main des bâtons qui portaient aussi les insignes du deuil. Deux autres personnages muets, qu’à leurs visages on aurait pris pour des gens accablés par quelque épouvantable malheur, le conduisirent dans la salle à manger de la défunte, où la compagnie était rassemblée pour les funérailles.

L’usage, maintenant aboli en Angleterre, d’inviter tous les parents du défunt à son enterrement, subsiste toujours en Écosse. En beaucoup d’occasions il en résulte un spectacle singulier et frappant, mais qui, le plus souvent, dégénère en pures formalités, en grimaces, lorsque le défunt n’a point été aimé pendant sa vie et n’est point regretté après sa mort. Les rites funèbres pratiqués en Angleterre, l’une des parties les plus belles et les plus imposantes de son rituel, pourraient, dans une circonstance semblable, fixer l’at-

  1. mots en français dans le texte. a. m.