Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sampson ; car avec la tournure d’esprit particulière à sa profession, il trouva moyen de s’en amuser beaucoup, ainsi que deux amis que Mannering avait invités. La simplicité laconique des réponses de Sampson aux questions insidieuses de l’avocat, faisait ressortir la bonhomie de son caractère, d’une manière entièrement neuve pour le colonel. Sampson déploya une foule de connaissances variées, abstraites, mais, généralement parlant, sans utilité véritable. « La tête de Dominie, dit l’avocat à cette occasion, ressemble à la boutique d’un prêteur sur gages, remplie de marchandises de toute espèce, mais si confusément entassées et dans un tel désordre, que le propriétaire ne peut jamais mettre la main sur un article au moment où il en a besoin. »

Quant à M. Pleydell, il donna au moins autant d’exercice aux facultés intellectuelles de Sampson, qu’il tira de lui d’amusement. Lorsque, s’abandonnant à ses saillies, à son esprit naturellement vif et mordant, il devint plus animé et plus satirique, Dominie le regarda avec cette surprise que doit éprouver l’ours apprivoisé lorsque, pour la première fois, le singe, son futur associé, se trouve en sa présence. M. Pleydell glissait avec malignité, au milieu d’une conversation grave et sérieuse, quelque proposition qu’il savait bien que Dominie ne laisserait pas passer. Il contemplait dans un ravissement infini le travail intérieur avec lequel Sampson préparait ses idées pour lui répliquer, et s’efforçait de mettre en mouvement toute la pesante artillerie de son érudition, afin de réduire en poudre la proposition hérétique ou schismatique mise en avant. Mais tout-à-coup, avant que ses lignes de défense fussent établies, l’ennemi avait changé de position, et apparaissait menaçant, dans une position nouvelle, sur les flancs ou sur les derrières. « Pro-di-gi-eux ! » s’écria-t-il vingt fois, quand, marchant à l’ennemi avec l’espérance d’une victoire assurée, il trouvait le champ de bataille abandonné. L’on peut croire qu’il ne lui en coûtait pas peu de peine pour rétablir le combat. « Je le compare, disait le colonel, à une armée de naturels indiens, formidable par le nombre des troupes, mais qui tombe dans une confusion irréparable à la première démonstration faite pour la prendre en flanc. » Au total, Dominie, quoique un peu fatigué par les manœuvres intellectuelles qu’il dut opérer avec tant de précipitation et toujours sous la nécessité du moment, proclama ce jour un des plus beaux de sa vie, et ne parla jamais de M. Pleydell que comme d’un homme érudit et fa-cé-ti-eux.