Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/297

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ment à la poste), il arrivait souvent que sa correspondance demeurait un mois ou deux sur le comptoir du maître de poste, parmi les pamphlets, le pain d’épices, les petits pains, les chansons, suivant le commerce que faisait ledit maître de poste. D’ailleurs, à cette époque, l’usage (non encore tout-à-fait aboli aujourd’hui) était de faire voyager les lettres d’une ville à l’autre : si bien qu’au lieu de parcourir, par exemple, trente milles avant d’arriver à leur adresse, elles en faisaient deux cents : ce qui avait le triple avantage de faire prendre l’air amplement aux lettres, d’ajouter quelques pences aux revenus de la poste, et d’exercer la patience des correspondants. Grâce à toutes ces circonstances, Brown resta plusieurs jours à Allonby sans recevoir de réponse, et quoique ménagée avec la plus sévère économie, sa bourse commençait à devenir bien légère, quand il reçut par l’entremise d’un jeune pêcheur la lettre suivante : « Vous avez agi avec la plus cruelle indiscrétion ; vous avez montré combien peu je puis me fier à vos assurances, quand vous attestez que ma tranquillité et mon honneur vous sont chers. Voire imprudence a failli coûter la vie à un jeune homme honorable et du plus grand mérite. En dirai-je davantage ? ajouterai-je que moi-même j’ai été fort malade, par suite de votre violence ? Ai-je besoin de vous dire que les conséquences qu’elle pouvait avoir pour vous augmentaient ma pénible perplexité, malgré le peu de motifs que vous me donniez vous-même de me tourmenter ainsi ? Le C… est absent pour quelques jours ; M. H… est entièrement rétabli ; et j’ai des raisons de croire que les soupçons se portent d’un côté fort différent de celui où ils devraient se diriger. Néanmoins, ne vous hasardez pas à venir ici. Nous avons été en butte à des accidents trop violents et trop terribles pour penser à continuer une correspondance qui a failli amener la plus affreuse catastrophe. Adieu. Croyez que personne ne désire votre bonheur plus vivement que J. M. »

Cette lettre contenait un de ces avis qu’on donne souvent avec l’intention de porter à faire précisément le contraire de ce que l’on conseille. C’est au moins ainsi que Brown l’interpréta. Il demanda sur-le-champ au jeune pêcheur s’il venait de Portanferry.

« Oui, répondit-il ; je suis fils du vieux John Willie Stone, et j’ai reçu cette lettre de ma sœur Peggy, qui est employée à laver le linge à Woodbourne. — Mon bon ami, quand repartez-vous ? — Ce soir, à la marée. — Je partirai avec vous ; mais comme je ne désire pas aller à Portanferry, je voudrais que vous me débarquassiez quelque part sur la côte. — Rien de plus facile, » répondit le pêcheur.