Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/31

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des affaires publiques ; il eut du moins la prudence, avant de partir avec lord Kenmore, en 1715, de mettre ses revenus en fidéicommis pour échapper aux châtiments et aux confiscations, si le comte de Mar ne parvenait à renverser la succession protestante. Mais il voguait entre Scylla et Carybde ; un mot suffit au juge… Il ne sauva son bien qu’aux dépens d’un procès qui diminua encore l’héritage paternel. C’était cependant un homme de résolution. Il vendit une partie des terres, évacua le vieux château, où sa famille vivait, dans sa décadence, comme une souris (dit un vieux fermier) sous un boisseau de grain. Abattant une partie de ces vénérables ruines, il en fit bâtir une petite maison haute de trois étages, avec une façade ressemblant à un bonnet de grenadier ou à l’œil d’un cyclope, deux fenêtres de chaque côté, et une porte au milieu conduisant à un parloir et à une antichambre offrant des points de vue pris de tous les côtés.

C’était la nouvelle Place d’Ellangowan dans laquelle nous avons laissé notre héros s’amusant peut-être plus que nos lecteurs. Ce fut là que Lewis Bertram se retira plein de projets pour rétablir la prospérité de sa famille. Il engagea ses propriétés, en loua quelques-unes à des propriétaires voisins, acheta et vendit du bétail des Highlands et des moutons de Chenols, courut à cheval les foires et les marchés, fit de bons bénéfices, et tint la nécessité aussi loin de lui qu’il put. Mais ce qu’il gagna en argent il le perdit en considération, car ces occupations rustiques et commerciales étaient très mal vues par les lairds ses confrères, qui ne songeaient qu’aux combats de coqs, à la chasse, aux courses, et à élever des chevaux de race. Les occupations d’Ellangowan nuisaient, dans leur opinion, à sa noblesse, et peu à peu il se trouva forcé de se retirer de leur société et de se réduire à jouer un rôle qui était alors très équivoque, celui d’un gentilhomme fermier. Au milieu de ses projets il paya le tribut à la mort, et les faibles restes d’un domaine autrefois très vaste tombèrent entre les mains de Godefroy Bertram, le possesseur actuel, son fils unique.

Le danger des spéculations de son père se fit bientôt sentir. Privé de cette active et personnelle surveillance, toutes ses entreprises échouèrent ou devinrent dangereuses et impraticables. Dénué de l’énergie nécessaire pour supporter ou repousser ces calamités, Godefroy se confia en l’activité d’un autre. Il ne prit ni chevaux ni chiens de chasse, ni ce qui devient préliminaire de ruine. Mais, comme c’était la coutume de ses compatriotes, il prit