Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuites dans la poêle, auxquelles était mêlée une bonne quantité de graisse qui surnageait dans un océan d’eau tiède ; elle plaça près de ce ragoût succulent un morceau de pain noir, et demanda ce que monsieur désirait boire.

L’apparence de ce festin n’était pas fort engageante : aussi Bertram, pour s’en dédommager, demanda-t-il du vin ; et un peu de fromage passable, joint à son pain noir, composa presque tout son dîner. Quand ce repas fut fini, la fille lui présenta les compliments de son maître, qui se proposait de venir, si tel était le bon plaisir de monsieur, l’aider à passer la soirée. Bertram la pria de lui faire ses excuses, et demanda, au lieu de cette agréable compagnie, du papier, des plumes, de l’encre et de la lumière. La lumière arriva bientôt sous la forme d’une longue chandelle brisée et s’inclinant sur un chandelier d’étain couvert de suif. Quant au papier et aux plumes, on répondit au prisonnier qu’il n’en pourrait avoir que le lendemain, parce qu’il fallait sortir pour en acheter.

Bertram chargea alors la fille de lui procurer un livre, et appuya sa demande d’un schelling ; elle revint quelque temps après avec deux mauvais volumes, le Calendrier de Newgate, que lui avait prêtés Sam Silverquil, apprenti sans maître, qui était alors en prison pour contrefaçon. Elle mit les livres sur la table et se retira, laissant Bertram méditer sur un ouvrage si bien en rapport avec sa triste situation.



CHAPITRE XLV.

L’AMI.


Si par malheur il te fallait monter à cette ignominieuse potence, tu auras encore un fidèle ami pour subir avec toi l’arrêt du cruel destin.
Shenstone.


Plongé dans les sombres réflexions qui lui étaient naturellement inspirées par cette dégoûtante lecture et sa triste situation, Bertram, pour la première fois de sa vie, crut qu’il allait s’abandonner au découragement.

« Je me suis trouvé dans des situations pires que celle-ci, dit-il, plus dangereuses surtout, car je ne cours ici aucun danger ; plus alarmantes pour l’avenir, car je serai bientôt hors de cette prison ; moins supportables même, car ici j’ai du feu, des aliments et un abri. Pourtant, quand je lis ces sanglantes annales de crimes et