Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/367

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— Et de l’effroi que nous causa, quelques jours après, la vengeance de l’un de ces déterminés scélérats ? ajouta miss Bertram. — Lorsque le jeune Hazlewood fut blessé ! J’ai aussi entendu parler de cela.

— Imaginez-vous, mon cher monsieur Pleydell, quelle fut notre épouvante, à miss Mannering et à moi, en voyant un de ces bandits, également redoutable par sa prodigieuse vigueur et la dureté de ses traits, s’élancer sur nous. — Il faut que vous sachiez, monsieur Pleydell, » dit Julia incapable de contenir le dépit que fit naître en elle cette manière de parler de son adorateur, « que le jeune Hazlewood paraît si beau aux jeunes demoiselles de ce pays, qu’elles trouvent horrible tout autre homme que lui. — Oh, oh ! » pensa Pleydell qui, par état, remarquait le moindre geste, la plus légère inflexion de voix, « il y a de la mésintelligence entre mes jeunes amies. Eh bien, miss Mannering, je n’ai pas vu le jeune Hazlewood depuis son enfance, je ne puis donc dire si les demoiselles ont tort ; mais je puis vous certifier, malgré tous vos dédains, que si vous voulez voir des cavaliers bien faits, vous pouvez aller en Hollande. Le plus joli garçon que j’aie vu de ma vie était un Hollandais, bien qu’il s’appelât Van Bost ou Van Buster, ou de quelque autre nom aussi barbare. Il ne doit plus être aussi bien maintenant. »

Ce fut le tour de Julia de perdre un peu contenance ; mais au même instant le colonel rentra. « Je n’entends encore rien, dit-il ; cependant nous ne nous séparerons pas encore. Où est Dominie Sampson ? — Me voici, monsieur. — Quel est le livre que vous tenez, monsieur Sampson ? — C’est le savant de Lyra[1] monsieur. Je voudrais bien, avec sa permission, demander à monsieur Pleydell son opinion sur un passage dont le sens est contesté — Je ne suis pas en veine, monsieur Sampson, répondit M. Pleydell ; j’ai là un métal plus attractif. Je ne désespère pas d’engager ces deux demoiselles à chanter une romance ou une chanson, dans lesquelles je me risquerai à faire la basse. Serrez de Lyra, monsieur Dominie ; réservez-le pour un moment plus opportun. »

Dominie, désappointé, laissa le pesant volume, s’étonnant beaucoup, en lui-même, qu’un homme aussi érudit que M. Pleydell pût s’abandonner à de si frivoles divertissements. Mais, peu soucieux du tort qu’il faisait à sa réputation, l’avocat avala un grand verre de Bourgogne ; puis, ayant préludé d’une voix qui avait perdu quelque peu de sa fraîcheur, il invita les demoiselles à chanter avec

  1. Théologien du xiiie siècle, auteur de commentaires sur la Bible. a. m.