Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/399

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y composer ses premiers sonnets, ou à deux amants pour s’y faire le premier aveu de leur mutuelle tendresse. Pourtant ce lieu éveilla dans l’âme de Henri des sentiments d’une nature bien différente : lorsqu’il eut promené ses regards autour de lui, son front se rembrunit, son visage se contracta. Meg se dit à elle-même : « Voilà bien la place ; » et, lui lançant à la dérobée un coup d’œil hagard : « Reconnaissez-vous cet endroit ? lui demanda-t-elle. — Oui, répondit Bertram, quoique imparfaitement. — Ah ! poursuivit son guide, c’est ici qu’il tomba de cheval… J’étais en ce moment derrière ce buisson d’épines… Comme il se débattit ! comme il demanda miséricorde ! mais il était entre les mains de gens qui ne connurent jamais ce mot… Maintenant je vous montrerai le sentier que nous avons parcouru la dernière fois que je vous portai dans mes bras. »

Alors, sans suivre aucun sentier, elle les conduisit à travers le fourré du bois, jusqu’à ce que, par la déclivité presque imperceptible du terrain, ils se trouvassent tout-à-coup sur le bord de la mer. Meg s’avança d’un pas rapide parmi les rochers ; s’arrêtant alors devant un énorme fragment qui en était détaché. « C’est ici, que le corps fut trouvé, dit-elle d’une voix basse. — La caverne, dit Bertram sur le même ton, est tout à côté. Est-ce là que vous nous menez ? — Oui, dit la Bohémienne d’une voix déterminée. Affermissez vos cœurs… Entrez comme moi en rampant… J’ai arrangé la provision de bois de manière à vous bien cacher. Restez derrière jusqu’à ce que je dise : L’heure et l’homme sont arrivés. Alors, jetez-vous sur lui, enlevez-lui ses armes ; garrottez-le, à lui faire sortir le sang par les narines. — Sur mon âme, je le ferai, dit Henri, si c’est l’homme que je suppose… Jansen ? — Oui, Jansen, Hatteraick, et vingt autres noms. — Dinmont, c’est maintenant que j’ai besoin de vous, car cet homme est un vrai démon. — Comptez sur moi. Mais je voudrais réciter un petit bout de prière avant d’entrer à la suite de cette sorcière dans la caverne qu’elle débouche. Ce serait un bel ouvrage, d’abandonner ce beau soleil, cet air pur, et de se fourrer dans un trou pareil pour s’y faire tuer comme un renard dans son terrier. Mais, n’importe ; le diable m’enlève si je vous abandonne ! » Ceci se disait aussi bas que possible. L’entrée étant déblayée, Meg s’y glissa en se traînant sur les mains et sur les genoux ; Bertram la suivit, et Dinmont, après avoir jeté encore un regard vers le jour qu’il n’abandonnait pas sans regret, entra le dernier.