Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/402

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semblable à un spectre, paraissait et disparaissait tour-à-tour.

À la vue d’Hatteraick, Bertram sentit son sang bouillir dans ses veines ; il n’avait pas oublié que, sous le nom de Jansen, qu’il avait pris après le meurtre de Kennedy, ce contrebandier, avec son lieutenant Brown, avait été le plus cruel tyran de son enfance. En rapprochant ses souvenirs imparfaits de ce que lui avaient dit Mannering ainsi que Pleydell, Bertram se dit que cet homme avait été le principal auteur de l’attentat qui, après l’avoir arraché à sa famille et à son pays, l’avait exposé à tant de souffrances, à tant de périls. Mille réflexions irritantes se présentèrent à son esprit ; il éprouvait le plus violent désir de s’élancer sur Hatteraick, de lui faire sauter la cervelle ; mais cette entreprise n’aurait pas été sans danger. La flamme qui éclairait les membres vigoureux et les larges épaules du capitaine, se réfléchissait sur deux paires de pistolets suspendus à sa ceinture, aussi bien que sur la poignée de son sabre. Il n’était pas douteux qu’il ferait une résistance proportionnée à sa force personnelle et à ses moyens de défense. À la vérité, il ne pouvait guère tenir tête à deux ennemis aussi redoutables que Dinmont et Bertram, sans parler de leur nouvel allié, Charles Hazlewood, quoique celui-ci, qui n’avait point d’armes, ne pût, quant à la vigueur, être comparé aux deux premiers. Un moment de réflexion fit comprendre à Bertram qu’il n’y aurait ni prudence ni bravoure à anticiper sur l’office du bourreau, et qu’il était important de s’emparer d’Hatteraick vivant. Il contint donc son indignation, et attendit ce qui allait se passer entre le contrebandier et la Bohémienne.

« Et comment vous trouvez-vous ? dit celle-ci avec sa voix rauque et discordante ; ne vous ai-je pas dit ce qui vous arriverait, et cela dans cette caverne, lorsque vous vous y réfugiâtes après le meurtre ? — Orage et tempête ! Vieille sorcière ! gardez vos antiennes du diable jusqu’à ce qu’on vous les demande. Avez-vous vu Glossin ? — Non. Vous avez manqué votre coup, assassin ; vous n’avez rien à attendre du tentateur. — Par l’enfer ! si je le tenais à la gorge ! Que faut-il donc que je fasse ? — Il faut mourir comme un homme ou être pendu comme un chien. — Pendu ! sorcière ! fille de Satan ! On n’a pas encore semé le chanvre qui servira à me pendre. — Il est semé, il est levé, il est coupé, il est filé. Ne vous ai-je pas dit quand vous enlevâtes le petit Henri Bertram, au mépris de mes prières, qu’il reviendrait vers sa vingt-et-unième année, après avoir accompli son destin en pays étranger ? Ne vous ai-je pas dit que