Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/416

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sans tenir compte ni du compliment ni du salut qui l’accompagnait.

« Colonel Mannering ! (Ici un salut profond qui lui fut très légèrement rendu.) Monsieur Pleydell (autre salut), je ne me serais pas flatté de vous trouver avec de pauvres juges de province, à cette époque de la session. »

Pleydell prit du tabac et lui lança un regard fin et moqueur… « Je lui apprendrai, dit-il à l’oreille de Mannering, la valeur de l’ancienne maxime : Ne accesseris in concilium antequam voceris[1] — Mais peut-être je suis indiscret, messieurs. L’audience est-elle déjà commencée ? — Bien loin de considérer votre arrivée ici comme une indiscrétion, dit Pleydell, je suis enchanté de vous y voir. Il est même possible qu’avant la fin du jour votre présence nous soit extrêmement nécessaire. — Eh bien ! messieurs, » dit Glossin approchant sa chaise de la table et se mettant à feuilleter les pièces ; « où en sommes-nous ?… qu’avez-vous fait jusqu’à présent ? voyons un peu les déclarations. — Greffier, donnez-moi tous ces papiers, dit Pleydell. J’ai une manière à moi de les arranger, monsieur Glossin ; et si quelqu’un y touche, il ne m’est plus possible de m’y reconnaître. Mais je réclamerai bientôt votre assistance. »

Ainsi réduit à l’inaction, Glossin tourna les yeux sur Dirk Hatteraick, mais il ne put lire sur son visage sombre que sa haine contre tous ceux qui l’entouraient.

« Messieurs, dit Glossin, est-il bien légal de tenir ce pauvre homme chargé de fers si pesants ? Il n’est encore ici que pour être interrogé. » C’était dire au prisonnier qu’il avait un protecteur.

« Il s’est déjà échappé une fois, » répondit Mac-Morlan d’un ton sec ; et Glossin fut réduit au silence.

Bertram ayant été introduit, Glossin, à son grand désespoir, vit qu’il recevait l’accueil le plus amical de tous les assistants, même de sir Robert Hazlewood. Il fit l’exposition des souvenirs de son enfance avec cette candeur et cette réserve qui sont la meilleure preuve de la bonne foi.

« Messieurs, dit Glossin en se levant, ceci est plutôt un procès civil qu’un procès criminel. Comme vous ne pouvez ignorer que la prétendue filiation de ce jeune homme doit avoir une grande influence sur ma fortune personnelle, je vous demanderai la permission de me retirer. — Non, mon cher monsieur, dit M. Pleydell, ceci ne vous peut être accordé… Mais pourquoi dites-vous la prétendue filiation de ce jeune homme ?… Je ne veux point contester

  1. N’entre pas au conseil avant d’y être appelé. a. m.