Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/8

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je suis versé dans l’art de comprendre et d’interpréter les mouvements de ces corps planétaires qui exercent leur empire sur la destinée des mortels. C’est une science que je ne pratique point, comme les hommes qui se nomment eux-mêmes astrologues, pour un salaire ou une récompense, car j’ai un revenu suffisant, et je n’emploie les connaissances que je possède qu’au profit de ceux qui m’inspirent de l’intérêt. » Le laird le salua avec respect et reconnaissance, et l’étranger fut conduit à une chambre d’où il pouvait voir à son aise toutes les régions célestes.

Il passa une partie de la nuit à s’assurer de la position des corps planétaires et à calculer leur influence probable ; enfin le résultat de ses observations l’engagea à envoyer chercher le père et à le conjurer, d’une manière solennelle, de faire retarder l’accouchement s’il était possible, quand ce ne serait que de cinq minutes. Le laird lui répondit que c’était une chose impossible, et presque au même instant on vint leur annoncer la naissance d’un garçon.

Le lendemain l’astrologue se joignit à la compagnie qui était assemblée autour de la table pour déjeuner ; ses regards étaient si graves et de si mauvais augure, qu’ils éveillèrent les craintes du père, lequel jusqu’ici s’était réjoui de la naissance d’un fils qui hériterait de ses domaines et empêcherait qu’ils n’échussent à une branche éloignée de la famille. Il se hâta de conduire l’étranger dans une chambre à l’écart.

« D’après vos regards, dit le père, je crains, monsieur, que vous n’ayez de mauvaises nouvelles à m’annoncer touchant mon jeune héritier : peut-être Dieu me retirera-t-il le fils qu’il m’a donné, avant qu’il ait atteint l’âge d’homme, ou peut-être est-il destiné à ne pas être digne de l’affection que nous sommes naturellement disposés à lui accorder.

— Ni l’un ni l’autre, répondit l’étranger, à moins que mon jugement ne me trompe grossièrement. L’enfant dépassera les années de l’adolescence, et son caractère, ses qualités, seront tels que ses parents peuvent le désirer. Mais dans son horoscope, qui promet d’ailleurs plusieurs choses heureuses, il y a une maligne influence qui prédomine fortement et qui menace de l’exposer à une tentation impie et infernale au moment où il sera près d’atteindre sa vingt-unième année ; cette époque, selon les constellations, sera le moment de crise de sa destinée. Sous quelle forme cette tentation viendra-t-elle l’assiéger ? de quelle influente naîtra-t-elle ? c’est ce que mon art ne saurait découvrir.