Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/81

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vement celle des autres ; les uns pensaient que les objets de leurs recherches pouvaient avoir été à bord du sloop, d’autres qu’ils avaient été à un village éloigné de trois milles ; quelques-uns disaient à voix basse qu’ils avaient pu se trouver à bord du lougre, dont la marée jetait alors les planches et les débris sur le rivage.

Dans ce moment on entendit, venant du rivage, un cri si aigu, si terrible, si… si différent de tous ceux dont le bois avait jusqu’alors retenti, que personne n’hésita un instant à croire qu’il annonçait quelque nouvelle, et une nouvelle effrayante. Tous se précipitèrent vers l’endroit d’où il partait, et s’engagèrent dans des chemins qu’en tout autre temps ils n’auraient regardés qu’en tremblant ; ils descendirent vers l’ouverture d’un rocher où une barque était déjà arrivée. « Par ici ! messieurs, par ici ! venez, pour l’amour de Dieu !… venez, venez !… » Tel était le cri que répétaient les hommes de la barque. Ellangowan perça la foule qui était déjà assemblée sur le lieu fatal, et aperçut l’objet de sa terreur : c’était le cadavre de Kennedy… À la première vue il semblait avoir perdu la vie en tombant du haut des rochers qui dominaient la place où il était étendu, et formaient un précipice élevé de cent pieds au-dessus du rivage ; le corps était à moitié dans l’eau et à moitié dehors ; la marée montante, qui agitait son bras et soulevait ses vêtements, avait fait croire, à quelque distance, qu’il remuait : aussi les premiers qui le découvrirent avaient-ils pensé qu’il lui restait encore quelque vie. Mais son cœur avait cessé de battre depuis long-temps.

« Mon enfant ! mon enfant ! s’écria le père dans l’agonie du désespoir ; où peut-il être ?… » Une douzaine de bouches s’ouvrirent pour lui donner des espérances que personne ne partageait ; enfin quelqu’un parla des Égyptiens… En un moment Ellangowan eut gravi les rochers ; il se jeta sur le premier cheval venu, et courut comme un furieux au hameau de Derncleugh : tout était dans l’obscurité et la désolation ; comme il descendait de cheval pour faire une recherche plus exacte, son pied heurta contre les fragments de meubles qui avaient été jetés hors des cabanes, et des débris de bois et de chaume des toits qui avaient été renversés par ses ordres. Dans ce moment la prophétie ou l’anathème de Meg Merrilies lui revint à l’esprit : « Vous avez renversé le chaume de sept cabanes ; vous verrez si le toit de votre château en sera plus solide ! »

« Rends-moi, s’écria-t-il, rends-moi mon fils ! ramène-le-moi, et tout sera oublié et pardonné !… » À ces mots, qu’il prononçait avec une espèce de frénésie, son œil vit briller une lumière dans l’une