Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/107

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glace, au dessus de l’antique cheminée, était montée comme celle de l’antique toilette à laquelle elle répondait.

« On prétend, se dit à demi-voix Lovel en examinant la chambre et son ameublement, que les revenans choisissent toujours le meilleur appartement de la maison à laquelle ils s’attachent, et je dois avouer que l’esprit de l’imprimeur de la Confession d’Augsbourg n’a pas plus mauvais goût que les autres. »

Cependant, agité de ses propres chagrins, il ne lui fut pas possible d’arrêter son esprit sur les histoires qu’il venait d’entendre d’un appartement pour lequel elles semblaient si bien faites qu’il regretta presque l’absence de ces agitations, excitées moitié par la crainte, moitié par la curiosité, qu’excitent ces vieux récits où l’effrayant se mêle au surnaturel, mais dont les inquiétudes trop réelles, attachées à une passion malheureuse, le rendaient en ce moment incapable. Ces émotions étaient toutes semblables à celles qui se trouvent exprimées dans ces vers :

Hélas ! combien, fille cruelle,
Ta présence a changé mon cœur !
Il fut séduit par ta douceur ;
Et maintenant que je t’appelle,
Du tien il subit la rigueur.

En vain il chercha à donner à son esprit une disposition analogue à la situation où il se trouvait, son cœur ne pouvait se prêter aux écarts de son imagination. L’image de miss Wardour, résolue à ne pas le reconnaître quand elle n’avait pu éviter sa société, et montrant le désir de le fuir, aurait suffi pour l’occuper exclusivement. Mais des souvenirs qui, pour être moins pénibles, ne le troublaient pas moins vivement, se réunissaient encore pour l’agiter. La manière miraculeuse dont miss Wardour avait échappé à la mort, le service qu’il avait eu le bonheur de lui rendre, et dont elle l’avait si mal payé ; car n’avait-elle pas quitté le rocher dans un moment où il était encore incertain que son libérateur eût conservé la vie qu’il n’avait pas craint d’exposer pour elle ? sûrement tout cela demandait au moins qu’elle donnât quelque marque d’intérêt à son sort… Mais était-ce bien elle qui se montrait égoïste ou injuste ? non, de tels défauts n’appartenaient pas à son âme. Sans doute par ce moyen elle voulait lui interdire toute espérance, et, par pitié pour lui, éteindre une passion qu’elle ne pouvait jamais partager.

Toutefois ces raisonnemens, dignes d’un amant, n’étaient guère propres à le réconcilier avec son sort, puisque, plus son imagina-