Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/11

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en tabac ou en whiskey[1]. Dans le fait, ces indolens péripatéticiens souffraient beaucoup moins de maux réels ou du manque de nourriture, que les pauvres paysans dont ils recevaient l’aumône.

Si, outre ses qualités personnelles, le mendiant se trouvait être un des Bedesmen du roi en robe bleue, il appartenait alors à l’aristocratie de son ordre, et était regardé comme un personnage fort important.

Ces Bedesmen sont un ordre de pauvres auxquels les rois d’Écosse avaient coutume de distribuer certaines aumônes conformément aux ordonnances de l’église catholique, et qui en revanche étaient obligés de prier pour la prospérité de la famille royale et de l’État. Leur ordre subsiste encore ; leur nombre est égal à celui des années de Sa Majesté, et une robe bleue de plus est mise sur les rôles, au retour de chaque anniversaire de la naissance du roi. À cette heureuse époque, chaque Bedesmen reçoit aussi un manteau neuf ou robe de gros drap d’un bleu clair, avec une plaque d’étain, qui lui confère le privilège général de mendier par toute l’Écosse, toutes les lois contre les mendians et tous les genres de mendicité devant se faire en faveur de cette classe privilégiée. Avec le manteau chacun reçoit une bourse de cuir contenant autant de schellings écossais, c’est-à-dire de sous sterling, que le souverain a d’années ; le zèle de leur intercession pour la durée de la vie du roi étant, à ce que l’on suppose, fort excité par l’intérêt actuel et croissant qu’ils ont eux-mêmes à voir exaucer leurs prières. Dans la même circonstance, un des chapelains du roi prêche un sermon aux Bedesmen, qui forment, suivant l’expression d’un de ces révérends ecclésiastiques, l’auditoire le plus impatient et le moins attentif qui puisse exister. Ce qui y contribue peut-être est l’opinion des Bedesmen, qu’on les paie pour les prières qu’ils font, et non pour écouter celles qu’ils entendent, ou plus probablement encore, c’est l’impatience naturelle, quoique fort inconvenante dans des hommes d’un caractère si vénérable, de voir arriver la fin du cérémonial de l’anniversaire royal, qui se termine ordinairement pour eux par un copieux déjeuner de pain et d’ale ; cette représentation religieuse et morale finissant par le conseil du vieil ermite (the hermit hoar) de Johnson à son prosélyte :

« Allons, mon garçon, viens boire de la bière. »

On trouve dans les comptes du trésorier plusieurs notes qui font foi des charités accordées à ces vieux Bedesmen, tant en argent qu’en habits.

  1. Wisky ou whiskey, eau-de-vie de grain. a. m.