Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/20

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— Femme, cette description ne signifie rien. Ce n’est peut-être qu’un mensonge, et avec circonstances.

— Oh ! monsieur, monsieur, dit la pauvre mistriss Macleuchar, accablée de se voir si long-temps en butte à cette rhétorique, reprenez vos trois schellings, et que je n’en entende plus parler.

— Un instant, un instant, bonne femme : tes trois schellings me transporteront-ils à Queensferry suivant la promesse de ton perfide programme ? ou me dédommageront-ils du tort d’avoir laissé mes affaires en suspens, ou des dépenses que je serai forcé de faire si je m’arrête un jour à Southferry pour y attendre la marée ? me suffiront-ils pour louer une barque dont le prix ordinaire est de cinq schellings ? »

Ici son argument fut interrompu par un bruit lourd qu’on reconnut être celui de la voiture qu’on attendait, et qui se pressait d’arriver avec toute la célérité dont étaient capables les deux rosses poussives qui la traînaient. Ce fut avec un plaisir inexprimable que mistriss Macleuchar vit enfin son persécuteur établi dans la voiture ; mais au moment où elle partait, il mit encore la tête à la portière pour lui rappeler par des paroles que couvrait déjà le bruit des roues, que si la diligence n’arrivait pas au bac à temps pour profiter de la marée, elle, mistriss Macleuchar, se verrait responsable de toutes les conséquences qui s’ensuivraient.

La voiture avait déjà roulé pendant un mille ou deux avant que l’étranger eût complètement repris sa tranquillité d’âme, comme on en put juger par les exclamations plaintives qui lui échappaient de temps en temps sur la probabilité ou même la certitude de manquer la marée. Par degrés cependant sa colère s’apaisa ; il s’essuya le front, et défaisant le paquet qu’il tenait à la main, il en tira son in-folio qu’il examinait de temps en temps avec le coup d’œil d’un connaisseur, admirant sa hauteur, son état de conservation, et s’assurant par l’inspection particulière et minutieuse de chaque feuille qu’il était complet et en bon état depuis le titre jusqu’à la dernière ligne. Son compagnon de voyage prit alors la liberté de lui demander quel était le genre de ses études, et le vieux monsieur, jetant sur lui un coup d’œil où il entrait quelque chose de railleur, comme s’il l’eût supposé incapable de goûter ou même de comprendre sa réponse, lui apprit que ce livre était l’Itinerarhim Septentrionale de Sandy Gordon, ouvrage destiné à faire connaître les ruines romaines en Écosse. Le jeune homme, sans être étourdi de ce titre savant, continua à faire plusieurs questions qui montraient qu’il