Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/295

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obtenir qu’un gîte, car il y a à parier que la ménagère aura toujours quelque raccommodage à vous faire faire.

— Mais je n’ai dit ni l’un ni l’autre, repris Francis, car milord ne s’en serait guère soucié ;… il fait plus de cas de ceux qui peuvent raccommoder nos consciences. Ainsi je lui ai donc dit que le papier avait été apporté par un vieillard à longue barbe blanche ; que ce pouvait être un frère capucin, autant que j’en pouvais juger, car il était vêtu comme un vieux pèlerin : de sorte qu’il vous enverra chercher aussitôt qu’il sera assez remis pour vous parler. »

« Je voudrais être quitte de cette affaire, pensa Édie en lui-même ; il y a bien des gens qui prétendent que le comte n’a pas la tête très saine ; et qui peut dire s’il ne sera pas offensé que j’aie osé me mêler de cela ? »

Mais la retraite devint bientôt impossible ; un coup de sonnette se fit entendre d’une partie éloignée du château, et Macraw dit d’une voix étouffée, comme s’il se fût déjà retrouvé en présence de son maître : « Voilà la sonnette de milord ; suivez-moi, et marchez légèrement et sans bruit. »

Édie suivit son guide, qui marchait comme s’il eût craint d’être entendu, et qui lui fit traverser un long passage et monter un arrière-escalier qui les conduisit aux appartemens de la famille. Ils étaient d’une vaste étendue, et meublés avec un faste qui indiquait l’ancienne importance et la splendeur de cette maison. Mais tous les ornemens en appartenaient à une époque très éloignée, et on aurait pu se croire au milieu des salons d’un seigneur écossais avant la réunion des deux couronnes. La dernière comtesse, tant par un mépris hautain du temps où elle vivait, que par un sentiment de respect orgueilleux envers sa famille, n’avait pas voulu permettre qu’on changeât rien à l’ameublement de Glenallan, tant qu’elle y avait résidé. La partie la plus magnifique de ses ornemens était une collection précieuse de tableaux des meilleurs maîtres, dont les cadres massifs étaient un peu ternis par le temps, et attestaient aussi les goûts sombres des propriétaires. Il y avait en outre quelques beaux portraits de famille, peints par Van-Dyck et d’autres maîtres célèbres. Mais ce qui dominait dans la collection, c’étaient les saints et les martyrs du Dominiquin, de Velasquez et de Murillo, et autres sujets du même genre, qu’on avait choisis de préférence à des paysages ou à des compositions historiques. La manière dont ces sujets effrayans et quelquefois même hideux étaient représentés, se trouvait en parfaite harmonie avec la sombre tristesse des appar-