Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/301

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Un mouvement du comte, comme s’il n’eût pas compris la question, fut toute la réponse qu’il y fit. Édie vit que son esprit était ailleurs, et ne se hasarda plus à répéter une demande qui avait si peu de rapport avec l’affaire qui l’amenait là.

« Êtes-vous catholique, vieillard ? demanda le comte.

— Non, milord, répondit Ochiltree d’un ton ferme, car l’inégalité du partage des aumônes se présenta en ce moment à son esprit ; grâce à Dieu, je suis bon protestant.

— Celui qui peut du fond de sa conscience s’appeler bon, a effectivement raison de rendre des grâces au ciel, quelle que soit la forme de sa croyance ; mais quel est celui qui peut avoir cette présomption ?

— Ce n’est pas moi, dit Édie ; j’espère être exempt du péché de présomption.

— Quel métier avez-vous fait dans votre jeunesse ?

— J’ai été soldat, milord, et bien des jours de ma vie se sont passés dans les fatigues des camps et du bivouac. J’aurais dû être fait sergent ; mais…

— Soldat ! ainsi vous avez tué, brûlé, saccagé, pillé !

— Je ne prétends pas, reprit Édie, avoir mieux valu que mes voisins. C’est un rude métier que la guerre ; il n’y a que ceux qui l’ont faite qui puissent en parler.

— Et vous voilà maintenant vieux et misérable, demandant à une charité précaire le pain que dans votre jeunesse vous arrachâtes des mains du pauvre paysan !

— Je suis un mendiant, il est vrai, milord ; mais pourtant je ne suis pas encore tout-à-fait si misérable. Quant à mes péchés, Dieu m’a fait la grâce de m’en repentir et de me décharger de leur poids sur ceux qui sont mieux en état que moi de le supporter ; et, pour ma portion de nourriture, personne ne refuse à un pauvre homme un morceau à manger et un coup à boire. Je vis comme je puis, et je suis tout prêt à mourir quand je serai appelé à mon tour.

— Ainsi donc, avec une vie dont le passé ne vous offre presque aucun souvenir satisfaisant, et avec une perspective plus triste encore pour les jours qui vous restent à vivre, vous vous traînez content vers le terme de votre carrière ! Allez : que la vieillesse, la misère et la fatigue ne vous fassent jamais envier le sort du maître de ce château, ni dans son sommeil, ni dans ses veilles. Tenez, voici quelque chose pour vous. »

Le comte mit cinq ou six guinées dans la main du vieillard. Édie aurait peut-être exprimé des scrupules sur le montant de l’aumône,