Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/79

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accumulés de tous côtés, semblaient annoncer les désastres qui accompagnent la décadence d’un empire ou la chute d’un monarque. Et cependant sa splendeur mourante jetait une sombre magnificence sur cet amas formidable de vapeurs, et donnait à cette masse aérienne la forme fantastique de pyramides et de tours, dont les unes offraient un reflet doré, tandis que les autres étaient couvertes de teintes pourpres, ou d’un rouge sombre et foncé. La vaste mer, s’étendant sous ce dais pompeux et varié, reposait dans un calme presque effrayant, et réfléchissait les rayons éclatans de l’astre à son déclin, et le coloris brillant des nuages au milieu desquels il se couchait. Près du rivage le flot venait bouillonner, et former des vagues étincelantes d’écume qui, imperceptiblement, mais avec rapidité, gagnaient à tous momens sur le sable.

L’esprit tout occupé de cette scène pittoresque, ou peut-être agité par quelque autre sujet, miss Wardour marchait en silence à côté de son père, que sa dignité récemment offensée ne disposait pas à se prêter à la conversation. Suivant les détours de la plage, ils traversèrent l’un après l’autre plusieurs escarpemens, et se trouvèrent enfin sous l’immense chaîne de rochers par laquelle cette côte est en quelques endroits défendue. De longs récifs, qui s’étendaient sous l’eau, et dont l’existence n’était indiquée que par une pointe nue qui paraissait çà et là, et par l’écume des vagues qui venaient se briser sur ceux qui étaient partiellement couverts, rendaient la baie de Knockwinnock fort redoutable aux pilotes et aux maîtres de navires. Les rochers qui bordaient la plage, et qui s’élevaient à la hauteur de deux ou trois cents pieds, offraient dans leurs crevasses, à un nombre infini d’oiseaux de mer, un asile qui semblait hors de l’atteinte de la rapacité de l’homme. Plusieurs de ces tribus sauvages, avec l’instinct qui leur fait chercher la terre avant le commencement d’un orage, se mirent à voler autour de leurs nids avec ce cri perçant et plaintif qui annonce le trouble et l’alarme. Le disque du soleil s’était obscurci tout-à-coup avant qu’il fût entièrement descendu au dessous de l’horizon, et des ténèbres soudaines et prématurées avaient voilé le long crépuscule d’une soirée d’été. Le vent ne tarda pas à s’élever, mais il fit entendre ses gémissemens tristes et lugubres, et agita le sein de l’Océan quelque temps avant de se faire sentir sur la terre. La masse des eaux, devenue sombre et menaçante, commença à se sillonner profondément, ses vagues, soulevées, s’agrandirent, et formèrent des montagnes d’écume qui vinrent couvrir les brisans, ou se heurter