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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/105

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caporal ; tes paroles, l’ami, sont trop peu respectueuses envers Son Excellence.

« Au diable Son Excellence ! » allait dire Wildrake ; mais la prudence le guida, et intercepta le passage à ces mots injurieux. Il s’inclina seulement et garda le silence.

« Suis-moi, » dit le personnage empesé auquel il parlait ; et Wildrake le suivit dans le corps-de-garde, dont l’intérieur était l’image vivante de l’époque, et ne ressemblait guère aux postes militaires d’aujourd’hui.

Près du feu étaient assis deux ou trois mousquetaires, écoutant un camarade qui leur expliquait quelque mystère religieux. Il n’avait d’abord parlé qu’à voix basse, mais avec une grande volubilité, et son ton, à mesure qu’il approchait de la conclusion, devenait de plus en plus aigre et violent, comme voulant obtenir une réponse immédiate ou une conviction silencieuse. Ses auditeurs semblaient l’écouter avec des visages imperturbables, ne lui répondant que par des bouffées de fumée de tabac qu’ils laissaient échapper de dessous leurs épaisses moustaches. Sur un banc était couché un soldat, la face tournée vers la terre : dormait-il ? était-il dans l’extase ? c’est ce qu’il nous est impossible de dire. Au milieu de la salle se tenait un officier, du moins son baudrier brodé et l’écharpe qui lui ceignait le corps semblaient l’indiquer, et du reste simplement habillé. Il s’occupait à faire exécuter à un vigoureux paysan, nouvellement enrôlé, ce qu’on appelait alors le manuel. Il y avait au moins vingt mouvements à faire et vingt mots pour les commander ; et, avant que l’exercice fût régulièrement terminé, le caporal ne permit à Wildrake ni de s’asseoir, ni de dépasser le seuil de la porte du corps-de-garde. Il lui fallut donc entendre une kyrielle de « Posez votre mousquet… Levez votre mousquet… Armez votre mousquet… Prenez votre baguette… » et bien d’autres termes militaires oubliés aujourd’hui, jusqu’à ce qu’enfin les mots : « Votre mousquet au bras ! » suspendirent la leçon pour un moment.

« Ton nom, l’ami ? » dit l’officier au soldat de recrue.

« Éphraïm, » répondit le rustre, affectant de parler du nez.

« Éphraïm ; mais après ? — Éphraïm Cobb, de la sainte cité de Glocester, où j’ai servi sept ans comme apprenti chez un digne cordonnier. — C’est un métier fort bon, répliqua l’officier ; mais en cherchant fortune avec nous, ne doute pas que tu ne t’élèves au dessus de ton alêne et de ta forme à bottes. »

Un sourire refrogné du beau parleur accompagna cette pauvre