Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/123

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travaillent contre leurs intérêts ; car je vois encore et j’ai toujours vu en eux d’honnêtes et honorables fous, assez sots pour se mettre la corde au cou et se briser la tête contre les murs, afin qu’aucun autre, excepté un nommé Stuart, ne soit leur roi. Les fous ! manque-t-on de mots formés de lettres qui sonnent aussi agréablement à l’oreille que Charles Stuart devant ce titre magique ? Ma foi, le mot roi est comme une lampe allumée qui répand la même clarté sur une combinaison quelconque des lettres de l’alphabet, et pourtant il vous faut verser votre sang pour un nom ! Mais toi, pour ta part, tu n’as rien à redouter de moi. Voici un ordre bien positif pour qu’on évacue la Loge de Woodstock, et que ton maître ou ceux qu’il désignera en prennent possession. Il y demeurera avec son oncle et sa jolie cousine, sans doute ? Porte-toi bien… Songe aux recommandations que je t’ai faites. On dit que la beauté est un aimant pour le Jeune Homme en question ; mais je pense bien qu’il a maintenant, pour diriger sa course, d’autres étoiles que des yeux brillants ou de beaux cheveux. Qu’importe : tu connais mes intentions… Guette surtout, guette ; braque tes yeux attentifs et vigilants sur les mauvais sentiers qui serpentent le long des haies… Nous sommes dans un temps où un manteau de mendiant peut facilement couvrir une rançon de roi. Tiens, voici quelque larges pièces de Portugal pour toi… un peu étrangères à ta poche, je suppose… Encore une fois, songe à ce que tu as entendu ; et, » ajouta-t-il d’un ton de voix plus bas mais plus solennel, « oublie ce que tu as vu. Mes amitiés à ton maître. Ah ! je ne saurais trop le répéter : souviens-toi et oublie… »

Wildrake obéit, et, retournant à son auberge, il s’éloigna de Windsor aussi vite que possible. Ce fut dans l’après-midi du même jour qu’il rejoignit son ami la Tête-ronde qui l’attendait avec anxiété à l’auberge de Woodstock, lieu de leur rendez-vous.

« Où as-tu été ?… qu’as-tu vu ?… Quelle étrange incertitude dans tous tes regards !… Et pourquoi ce silence ? — Parce que, » dit Wildrake en se débarrassant de son manteau et de sa rapière, « vous me faites trop de questions à la fois. Un homme n’a qu’une langue pour répondre, et la mienne est presque collée dans ma bouche. — Une chopine te fera-t-elle du bien ? quoique je puisse sans crainte dire que tu as essayé de ce talisman à tous les cabarets de la route. Eh bien ! demande ce que tu veux, l’ami ; seulement sois prompt. — Colonel Éverard, je n’ai pas même posé mes lèvres sur le bord d’un verre d’eau froide depuis ce matin. — Alors c’est