Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/125

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comme je puis. Je souhaite… pas si ardemment que toi peut-être… pourtant je souhaite qu’il eût été possible de rétablir le roi à des conditions raisonnables, qui garantissent notre sûreté comme la sienne. Et maintenant, cher Wildrake, tout rebelle que je puisse paraître à tes yeux, ne me fais pas l’injure de croire que je le sois volontairement. Dieu m’est témoin que je n’ai jamais oublié l’amour et le respect dus au roi, même quand je tirais l’épée contre ses perfides conseillers. — Ah ! que la peste vous gagne ! dit Wildrake ; c’est bien là la chanson… C’est ce que vous dites tous ; tous, vous avez combattu contre le roi simplement par amour et loyauté, et non autrement. Toutefois je commence à reconnaître votre ruse et la trouve meilleure que je ne m’y attendais. L’armée est votre ours maintenant ; le vieux Noll en est le maître, et vous êtes comme un constable de campagne qui capte les bonnes grâces du gardien pour l’empêcher de démuseler sa bête[1]. Ah ! le soleil brillera peut-être un jour du côté de notre camp ; et alors vous, ainsi que ceux qui aiment le beau temps et qui épousent toujours le parti du plus fort, vous ferez cause commune avec nous. »

Sans prêter beaucoup d’attention à ce que disait son ami, le colonel Éverard étudiait soigneusement l’ordre de Cromwell. « Il est, pensa-t-il, plus ferme et plus péremptoire que je ne l’espérais : il faut que ce général sente sa puissance pour opposer aussi ouvertement sa propre autorité à celle du conseil d’état et du parlement. — D’après cet ordre n’hésiterez-vous pas à agir ? demanda Wildrake. — Non assurément ; mais il faut que j’attende l’assistance du maire, qui, je pense, verra avec plaisir ces drôles chassés de la Loge. Je ne veux pas agir tout-à-fait militairement, s’il est possible. » S’avançant alors jusqu’à la porte de l’appartement, il envoya un domestique de l’auberge chez le principal magistrat du lieu, pour lui dire que le colonel Éverard désirait le voir le plus tôt possible.

« Vous êtes sûr qu’il viendra comme un chien à un coup de sifflet, dit Wildrake. Le mot de colonel ou de capitaine fait trotter les gros bourgeois dans ces temps où une épée vaut cinquante chartes de corporation. Mais il y a des dragons là-bas, ainsi que ce drôle à mine refrognée que j’ai tant effrayé l’autre soir en me montrant à la fenêtre. Crois-tu que nous n’éprouverons pas quelques difficultés ? — L’ordre du général aura plus de poids à leurs yeux qu’une

  1. Prevent him from letting bruin loose : bruin est ici pour lear, ours ; c’est ainsi qu’on l’appelle vulgairement en Angleterre. a. m.