Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/171

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confirmèrent dans l’opinion que Markham Éverard pourrait être égaré, mais jamais vil et égoïste — Et pourquoi avez-vous changé d’opinion, Alice ? ou qui ose, » dit Éverard en rougissant, « accompagner mon nom de telles épithètes ? — Vous ne pourrez pas exercer sur moi votre valeur, colonel, et je n’ai point voulu vous offenser ; mais vous trouverez assez de gens qui reconnaîtront comme moi que le colonel Éverard se soumet à l’usurpateur Cromwell, et que tous ses beaux prétextes de soutenir l’indépendance de son pays ne sont qu’un écran derrière lequel il conclut un marché avec l’heureux tyran, et cherche à obtenir les meilleures conditions possibles pour lui et sa famille — Pour moi… jamais ! — Pour votre famille du moins… Oui. je sais de science certaine que vous avez montré au tyran militaire et à ses satrapes le plus court chemin pour s’emparer du gouvernement. Croyez-vous que mon père ou moi nous accepterions un asile acheté au prix de la liberté de l’Angleterre et de votre honneur ? — Oh ! divine Providence ! Alice, que dites-vous là ? vous me faites un crime de suivre la route même que naguère encore vous approuviez ? — Quand vous parliez au nom de votre père, et nous engagiez à nous soumettre au gouvernement établi, quel qu’il fût, j’avoue que j’ai pensé que la tête blanche de mon père pourrait sans déshonneur reposer sous le toit où elle avait si long-temps trouvé un abri. Mais est-ce du consentement de votre père que vous êtes devenu le conseiller de cet ambitieux soldat pour une innovation pire que les autres, et son complice pour l’établissement d’une nouvelle espèce de tyrannie ?… Il y a une grande différence à établir entre se soumettre à l’oppression et servir d’agents aux tyrans… et, hélas ! Markham… être, pour ainsi dire, leurs limiers. — Comment ! leurs limiers ?… que voulez-vous dire ?… J’avoue que je verrais avec joie les plaies de ce pays se cicatriser, même au risque de voir Cromwell, après sa surprenante élévation, faire encore un pas de plus vers le pouvoir… Mais être son limier ! quelle est votre pensée ? — C’est donc faux ?… Je croyais pouvoir jurer que c’était faux. — Mais quoi ? Au nom du ciel, que me demandez-vous ? — Est-il faux que vous ayez promis de livrer le jeune roi d’Écosse ? — Le livrer ! moi, le livrer ! lui ou tout autre fugitif ? jamais ! Je voudrais qu’il fût hors d’Angleterre… Je l’aiderais à s’échapper, s’il était en ce moment dans cette maison ; et je croirais rendre un bon service à ses ennemis en les empêchant de se souiller de son sang… Mais le livrer, jamais ! — Je le savais