Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/177

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ble qu’ils seront à la Loge tout aussi en sûreté que l’or pur dans la cassette d’un avare. — As-tu rien vu toi-même qui te porte à penser ainsi ? — Pas une plume du bout de l’aile du diable, répliqua Wildrake ; il serait trop sûr d’un vieux chevalier qui, dans ces temps de crise, doit être pris, pendu ou noyé, pour se donner la peine de surveiller une proie certaine ; mais j’ai entendu les domestiques jaser de ce qu’ils avaient vu et entendu, et quoique leurs histoires soient assez embrouillées, pourtant, si elles renferment un mot de vrai, je jurerais que le diable s’était mis de la partie… Mais, holà ! on vient sur nous… Halte-là, l’ami… qui es-tu ? — Un pauvre journalier, travaillant au grand ouvrage de l’Angleterre… Joseph Tomkins de nom… secrétaire d’un chef pieux et très inspiré de cette pauvre armée chrétienne d’Angleterre, appelé Harrison. — Quelles nouvelles, maître Tomkins ? dit Éverard ; et pourquoi êtes-vous si tard en route ? — Je pense, dit Tomkins, que c’est au digne colonel Éverard à qui j’ai l’honneur de parler ; je suis en vérité ravi de rencontrer Votre Honneur. Le ciel sait si j’ai besoin de votre secours… Oh ! digne maître Éverard ! ç’a été un tintamarre de trompettes, un fracas de fioles, puis ensuite une pluie, puis… — De grâce, dis-moi vite ce dont il s’agit… Où est ton maître ? et, en un mot, qu’est-il arrivé ? — Mon maître n’est pas loin ; il se promène dans la petite prairie, près du vieux chêne qui porte le nom du dernier Homme ; faites avancer vos chevaux de deux pas, et vous allez le voir, marchant à grands pas par ici, par là, toujours son épée nue en main. »

En se dirigeant du côté qu’il leur indiquait, mais avec le moins de bruit possible, ils aperçurent un homme, qu’ils pensèrent devoir être Harrison, se promenant en long et en large, comme une sentinelle en faction, mais avec un air plus effaré. Le trot des chevaux n’échappa point à son oreille, et ils l’entendirent crier : « Baissez les piques contre la cavalerie ! voici venir le prince Rupert… Restez fermes, et vous les culbuterez, comme un boule-dogue ferait sauter un carlin… Baissez encore vos piques, mes braves, le bout appuyé sur le pied, un genou en terre, premier rang ; ne craignez pas de salir vos tabliers bleus. Ha ! Zorobabel… oui, c’est le mot. »

« Au nom du ciel ! de quoi et à qui parle-t-il ? dit Éverard ; pourquoi marche-t-il donc ainsi son épée à la main ? — Vraiment, monsieur, quand quelque chose trouble mon maître le général Harrison, sa raison s’égare, et il s’imagine commander une réserve de piques à la grande bataille d’Armageddon… Quant à son épée, hé-