Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/195

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armé que la dernière fois, et si ce n’était le son de cette voix, celui qui me parle aurait payé cher la plaisanterie. »

Il était singulier, et nous pouvons l’observer en passant, que quand le son distinct de la voix humaine parvenait à l’oreille d’Éverard, toute idée d’apparition surnaturelle cessait, et que le charme qui l’avait d’abord enchaîné paraissait brisé. Quelle que soit, dans des hommes d’un jugement sain, l’influence d’une terreur imaginaire fondée sur le doute, bientôt ils saisissent la moindre idée précise, et par son aide ils rentrent aisément dans le cours de la vie ordinaire. La voix fit au colonel une réponse qui s’adressait aussi bien au sens qu’au son des paroles.

« Nous rions des armes dont tu penses nous épouvanter… Sur les gardiens de Woodstock, elles ne peuvent rien. Tire, si tu veux, essaie l’efficacité de tes armes. Mais sache que notre intention n’est pas de te nuire. De race, tu es un faucon ; ton caractère est noble, quoique tu aies été mal élevé et que tu vives avec le milan et la corneille ; prends ton vol demain matin, pour te sauver d’ici, car si tu demeures avec les chauves-souris, les chats-huants, les corbeaux et les vautours qui songent à poser leur nid en ces lieux, tu partageras inévitablement leur sort. Pars donc, et que ces appartements soient disposés pour recevoir ceux qui ont de meilleurs droits à les habiter. »

Éverard répondit à voix haute : « Je vous avertis une seconde fois, ne pensez pas me défier en vain. Je ne suis plus un enfant, pour avoir peur des histoires de revenants, ni un poltron, armé comme je le suis, pour m’alarmer des menaces d’un bandit. Si je vous donne un instant de répit, c’est par égard pour des amis chers et mal conseillés qui peuvent être complices de cette dangereuse pasquinade. Apprenez que je puis entourer le château de soldats qui rechercheront, jusque dans les cachettes les plus reculées, l’auteur de cette audacieuse plaisanterie ; et si cette recherche ne réussit pas, il n’en coulera que quelques barils de poudre pour faire de cette maison un monceau de ruines, et ensevelir sous les décombres les inventeurs d’un amusement aussi ridicule. — Vous parlez bravement, sir colonel, » dit une autre voix semblable à celle plus rauque et plus dure qui lui avait parlé dans la galerie ; « faites donc preuve de courage par ici. — Vous ne me provoqueriez pas deux fois, répondit le colonel Éverard, si j’y voyais assez pour tirer. »

À ces mots, un rayon de lumière, qui éblouit presque le hardi parleur, lui fit voir une figure distincte qui ressemblait assez à Vic-