Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/314

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personne du roi ou ses prérogatives, bien que cela ne soit plus guère de mode. — Nous pourrons peut-être nous rencontrer quelque part, monsieur, lui répondit Éverard, où nous n’offenserons ni la personne du roi, ni ses prérogatives. — Sur ma foi, c’est difficile, monsieur, » répliqua Charles incapable de laisser passer un bon mot. « Je crois qu’il reste au roi si peu de partisans, que la perte du dernier d’entre eux ne sera pas sans préjudice pour lui. Mais n’importe, j’irai vous trouver en un lieu où un pauvre Cavalier aura la faculté de se mettre en sûreté, s’il a le bonheur d’être victorieux. »

La première pensée de sir Henri Lee s’était portée sur l’outrage fait au domaine royal. Il songea ensuite à la sûreté de son neveu et de celui qu’il considérait comme un jeune royaliste. « Messieurs, dit-il, je dois insister pour que cette querelle se termine ici. Mon neveu Markham, est-ce pour me remercier de ma condescendance, quand j’ai consenti sur votre invitation à revenir à Woodstock, que vous saisissiez la première occasion de couper la gorge à mon hôte ? — Si vous connaissiez ses projets aussi bien que moi… » répondit Markham… et il n’alla pas plus loin, bien convaincu qu’il ne ferait qu’exciter la colère de son oncle sans le persuader, tout ce qu’il pourrait dire des prétentions de Kerneguy ne devant être attribué qu’à la jalousie. Il baissa les yeux et se tut. — Et vous, maître Kerneguy, reprit sir Henri, pouvez-vous me dire pourquoi vous voulez arracher la vie à ce jeune homme auquel je dois toujours prendre quelque intérêt, car quoiqu’il ait eu le malheur d’oublier ses devoirs envers son prince, il n’en est pas moins mon neveu. — Je ne savais pas que monsieur eût cet honneur, autrement je n’aurais point tiré l’épée contre lui ; mais il m’a provoqué, et je ne puis attribuer cette querelle qu’à la différence de nos opinions politiques. — Vous savez cependant le contraire, monsieur ; je vous ai dit qu’en qualité de royaliste fugitif, vous n’aviez rien à redouter de moi. Et vos dernières paroles ont montré que vous aviez décrié ma parenté avec sir Henri ; cela du reste n’est guère important. Je me serais déshonoré moi-même, si je m’étais prévalu de ma parenté avec sir Henri comme un moyen de protection contre vous ou contre tout autre. »

Pendant qu’ils disputaient ainsi, l’un et l’autre évitant de mettre au jour le véritable sujet de leur querelle, sir Henri les regardait alternativement avec l’air d’un pacificateur. Il s’écria enfin :

Quel débat singulier, quel litige insensé !