Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/322

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et cet incident, venant si mal à propos, sembla augmenter encore sa colère contre Éverard, qui avait déprécié Shaskpeare. « J’insisterais, dit sir Henri reprenant la suite de la discussion, s’il était permis à un pauvre Cavalier vaincu d’employer une telle expression en parlant à un commandant de l’armée victorieuse, pour savoir si la révolution qui nous a envoyé des saints et des prophètes sans nombre, ne nous a pas aussi gratifié d’un poète assez riche de dons et de grâces pour éclipser le pauvre vieux Will, l’oracle et l’idole de nos aveugles et mondains Cavaliers. — En vérité, monsieur, répondit le colonel Éverard, je connais des vers composés par un ami de la république, et dans le genre dramatique, qui, pesés dans une balance impartiale, pourraient égaler ceux de Shakspeare, et qui du moins ne sont pas souillés par ces propos si indécents dont ce grand poète se plaît parfois à rassasier les féroces appétits de ses barbares auditeurs. — Vraiment oui ! » dit le chevalier faisant tous ses efforts pour maîtriser sa colère ; « je serais ravi de connaître ces chefs-d’œuvre de poésie !… Pouvons-nous vous demander le nom de cet illustre orateur ? — Ce doit être Vicars, ou Whiters, au moins, » dit le page déguisé.

« Non, monsieur, répliqua Éverard ; ce ne sont pas non plus ni Drummond de Hawthorndem, ni lord Stirling… et pourtant ces vers pourraient vous engager à ajouter foi à mes paroles, si vous consentiez à excuser mon froid débit ; car je suis plus accoutumé à parler à un bataillon qu’aux amants des Muses. C’est une dame qui parle ; surprise par la nuit, elle a perdu son chemin dans une forêt où elle ne voit aucun sentier battu, et ses paroles expriment d’abord les craintes que sa situation devait exciter en elle. — C’est une pièce ! et composée par une Tête-ronde ! » dit sir Henri avec surprise.

« Une production dramatique, du moins, répliqua son neveu, et il récita alors simplement, mais en homme qui sent ce qu’il dit, ces vers aujourd’hui bien connus, mais qui n’avaient alors aucune célébrité, la réputation de l’auteur reposant alors plutôt sur ses écrits polémiques et politiques que sur les poésies qui devaient dans la suite être le monument éternel de son immortalité.

Ce penser peut troubler, mais non pas étonner
Le mortel vertueux qui, de sa conscience
Dans sa route toujours a su s’environner,
Comme d’un bouclier contre toute influence.

— Je suis entièrement de son avis, neveu Markham, c’est ma