Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/378

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à la maison, si vous me permettez de la prendre, et ce soir je n’aurai pas besoin d’autre lumière. »

Alors elle se baissa pour prendre sa cruche ; mais il la saisit par le bras et l’en empêcha. Phœbé était fille d’un hardi forestier, et prompte à concevoir un plan de défense personnelle ; et voyant qu’elle ne pouvait pas prendre sa cruche, elle ramassa en place un gros caillou qu’elle tint caché dans sa main droite.

« Arrête, fille insensée, et écoute, » dit l’indépendant d’une voix sombre. « Sache d’un seul mot que le péché pour lequel tu as encouru la vengeance du ciel consiste, non dans l’acte matériel, mais dans la pensée du pécheur : apprends, aimable Phœbé, que tous les actes sont purs pour ceux qui le sont, que le péché existe dans nos intentions et non dans nos actions ; de même que l’éclat du jour n’est que ténèbres pour un aveugle, tandis que celui dont les yeux en sont frappés le voit et en jouit. Beaucoup est ordonné, beaucoup est défendu à celui qui ne sait pas faire mouvoir tous les ressorts de l’esprit. Il se nourrit de lait comme les petits enfants… c’est pour lui que sont faits les règles, les prohibitions, les commandements. Mais le saint est au dessus des commandements et de ces prohibitions ; lui, comme l’enfant gâté de la maison, a reçu le passe-partout pour ouvrir toutes les portes qui l’empêcheraient de satisfaire les désirs de son cœur. C’est dans ces bois du plaisir que je te guiderai, aimable Phœbé ; et dans la joie, dans une innocente liberté, tu jouiras de tous les plaisirs qui sont interdits comme des péchés à ceux qui ne sont point privilégiés. — Je désire sincèrement, maître Tomkins, que vous me laissiez retourner à la maison, » lui répondit Phœbé qui ne comprenait pas le sens de sa doctrine, mais à qui ne plaisaient ni ses manières ni ses discours. Il n’en continua pas moins à lui expliquer sa doctrine impie et blasphématoire, qu’ainsi que d’autres prétendus saints il avait adoptée après avoir erré long-temps de sectes en sectes, jusqu’à ce qu’il se fût arrêté à cette opinion horrible : que le péché, étant de sa nature exclusivement spirituel, n’existait que dans la pensée, et que les actions les plus perverses étaient licites pour ceux qui étaient parvenus à se croire au dessus de toute règle. « Ainsi, ma Phœbé, continua-t-il en s’efforçant de la tirer à lui, « je puis t’offrir plus qu’on n’offrit jamais à une femme depuis qu’Adam prit pour la première fois sa fiancée par la main. Laissons les autres demeurer les lèvres sèches, faisant pénitence comme les papistes par l’abstinence, quand la coupe du plaisir s’offre à eux. Aimes-tu l’argent, j’en ai, et je puis