Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont la main ne tremblait qu’après avoir manié pendant des heures un sabre pesant ?… Mais, allons, homme, pourquoi ce doute ? n’as-tu pas été comme un frère pour moi, et ne te pardonnerai-je pas pour la soixante-dix-septième fois ? Le drôle s’est arrêté quelque part au lieu d’accomplir pendant ce temps-là une mission de haute importance. Profite de son retard, Mark ; c’est une grâce que Dieu t’accorde contre ton espérance. Je ne te dis pas, tombe à mes pieds ; mais parle-moi comme un ami à son ami. — Je n’ai jamais rien dit à Votre Excellence qui fût le moins du monde indigne du titre que vous m’avez donné, » répondit le colonel avec fierté.

« Non, non, Markham ; je ne le prétends pas non plus. Mais, mais vous auriez dû vous rappeler le message que je vous ai envoyé par monsieur… (en montrant Wildrake…) Et maintenant examinez en conscience comment avec un tel message, imposé à de telles conditions, vous avez pu vous croire en droit d’expulser mes amis de Woodstock, déterminé à ne point satisfaire mon désir, tandis que vous profitiez, vous, de la faveur sans remplir la condition à laquelle je l’accordais. »

Éverard allait répondre, quand, à son grand étonnement, Wildrake s’avança, et d’une voix, d’un air bien différent de ses manières habituelles, et qui approchait beaucoup d’une véritable dignité, dit avec hardiesse et calme : « Vous commettez une méprise, maître Cromwell, et vous attaquez ici l’innocent ! »

Ce discours était si imprévu et si audacieux que Cromwell recula d’un pas, et porta la main droite à ses armes, comme s’il eût pensé qu’une apostrophe d’une nature si extraordinaire et si hardie dût être suivie de quelque acte de violence. Il reprit aussitôt son altitude d’indifférence ; et, irrité d’un sourire qu’il vit briller sur la figure de Wildrake, il dit avec la dignité d’un homme dès long-temps accoutumé à voir tout trembler autour de lui : « Est-ce à moi qu’il s’adresse, camarade ?… Savez-vous à qui vous parlez ? — Camarade ? » répéta Wildrake, dont l’humeur turbulente était alors violemment agitée. « Je ne fus jamais votre camarade, maître Olivier. J’ai connu un temps où Roger Wildrake de Squatlesemaere, comté de Lincoln, aurait regardé ce titre comme une injure ; et où jeune et beau Cavalier, possédant un bon domaine, il aurait été humilié de s’entendre appeler le camarade du brasseur banqueroutier d’Huntingdon. — Silence ! silence, Wildrake ! si vous tenez à la vie. — Je n’en donnerais pas un maravédis, répliqua Wildrake… Corbleu ! si mes paroles lui déplaisent, qu’il empoigne sa lame ! Je