Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/411

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Albert craignant que l’intelligence et l’énergie du vieillard ne fussent comme l’éclat passager d’une lampe dont la lumière va s’éteindre dans les ténèbres.

« Paix, monsieur mon fils, » répliqua son père d’une voix impérieuse ; « est-ce à vous à me faire la leçon en présence du roi ? Sachez que, quand même toutes les Têtes-rondes sorties de l’enfer seraient en ce moment assemblées autour de Woodstock, je pourrais en faire sortir la royale espérance de l’Angleterre par une voie que les plus avisés ne devineraient jamais. Alice, ma chère amie, ne fais pas de questions ; mais va vite à la cuisine, et apporte-moi une ou deux tranches de bœuf, ou plutôt de gibier ; qu’elles soient longues et minces… Me comprends-tu ? — C’est un égarement d’esprit, » dit Albert à part au roi ; « nous lui faisons tort, et Votre Majesté compromet son salut en l’écoutant. — Je ne suis pas de votre avis, dit Alice, et je connais mon père mieux que vous ; » et elle sortit de la chambre pour exécuter les ordres de son père.

« Je pense comme votre sœur, dit Charles… En Écosse, les ministres presbytériens, quand ils tonnaient en chaire contre mes péchés et ceux de ma race, se permettaient de m’appeler, en ma présence, Jéroboam ou Roboam, parce que je suivais les conseils de jeunes conseillers. Morbleu ! je veux suivre ceux de l’expérience pour cette fois ; car jamais je ne vis plus d’intelligence et de fermeté que sur le visage de ce noble vieillard. »

Sir Henri avait trouvé ce qu’il cherchait… « Cette boîte de fer-blanc, dit-il, contient six boulettes composées des épices les plus efficaces, mêlées aux médicaments de la qualité la plus rare et la plus fortifiante. Donnez-en une d’heure en heure enveloppée dans une tranche de bœuf ou de venaison à votre cheval ; et pour peu qu’il ait encore quelque reste d’ardeur, il courra sans s’arrêter cinq heures et pourra faire quinze milles par heure ; et avec la grâce de Dieu, il ne faut que le quart de ce temps pour mettre Votre Majesté hors de péril ; le reste pourra vous servir en quelque autre occasion… Martin connaît la manière de les administrer, et les chevaux d’Albert, tout fatigués qu’ils sont, si vous les menez au pas pendant quelques minutes, seront en état de parcourir le chemin, comme dit le vieux Will. Mais ne perdons pas le temps en paroles inutiles ; Votre Majesté me fait trop d’honneur en se servant de ce qui lui appartient… Maintenant, Albert, voyez si la côte est sûre, et faites partir Sa Majesté sur-le-champ… Nous jouerons votre rôle