Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/425

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naturel, car ses fréquents entretiens avec sir Henri Lee avaient, jusqu’à un certain point, adouci et poli ses manières ; « Je pense que ce chêne porterait un gland beaucoup plus gros, et voilà tout. — Ne plaisante pas avec moi, l’ami, car je te déclare que je ne suis pas amateur de plaisanteries. Quels hôtes as-tu vu dans cette maison appelée la Loge ? — J’y ai vu de mon temps bien de nobles hôtes, maître ; les cheminées fumaient de la belle façon, il y a douze ans ; rien que l’odeur aurait fait le dîner d’un pauvre homme. — Coquin, te moques-tu de moi ? Dis-moi sur-le-champ quels hôtes il y a eu dernièrement à la Loge. Penses-y bien, mon ami. Sois assuré qu’en faisant ce que je te demande, non seulement tu sauveras ton cou de la corde, mais aussi tu rendras un signalé service à l’État, dont je ferai en sorte que tu sois généreusement récompensé. Car, en vérité, je ne suis pas de ceux qui veulent que la pluie tombe seulement sur les nobles et orgueilleuses plantes ; je voudrais plutôt, autant que cela dépend de mes pauvres désirs et de mes prières, qu’elle arrosât aussi la prairie et la moisson, afin de réjouir le cœur du laboureur, et, de même que le cèdre du Liban se glorifie de sa hauteur, de ses branches, de ses racines, le pauvre hysope, qui croît sur les murs, fleurit, etc. ; et, en vérité… me comprends-tu, maraud ? — Pas parfaitement, monsieur, répondit Jocelin ; mais on dirait que vous prêchez, et il y a un goût de doctrine dans ce que vous dites. — Eh bien ! en un mot, tu sais qu’un certain Louis Kerneguy, ou Carnego, ou quelque autre nom pareil, est caché à la Loge ? — Non, monsieur. — Je te promets mille livres, si tu peux me livrer ce jeune homme. — Mille livres ! c’est une belle somme, répondit Jocelin ; mais j’ai déjà plus de sang sur les mains que je ne le voudrais. Je ne sais pas jusqu’à quel point le prix du sang peut profiter. Au reste, pendu ou non, je ne veux pas essayer. — Emmenez-le à l’arrière-garde, dit Cromwell, et qu’il ne communique point avec le prisonnier qu’on vient d’arrêter. Que je suis fou de perdre mon temps à vouloir tirer du lait d’une mule ! Allons à la Loge ! »

Ils avancèrent en silence comme auparavant, malgré les difficultés qu’ils rencontraient, ne connaissant ni la route ni ses détours. Enfin ils s’entendirent interroger, à voix basse, par une de leurs sentinelles placées autour de la Loge, sur une double ligne, et si rapprochées les unes des autres, que personne n’aurait pu s’en échapper. Le rang extérieur était formé en partie de cavaliers postés sur la route et le terrain découvert, et de fantassins dans