Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/427

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well immobile, les mains appuyées sur son épée qu’il avait tirée de son ceinturon, et les yeux fixés vers la terre. Il attendit quelques instants avec impatience, et n’osant rompre le silence, de peur de changer cet accès inaccoutumé de mélancolie en colère ou en mauvaise humeur, il écouta les sons inarticulés qui s’échappaient des lèvres à demi ouvertes de son général, et les mots « dure nécessité, » qu’il répéta plusieurs fois, furent les seuls qu’il put distinguer. « Milord général, dit-il enfin, le temps passe. — Paix ! démon de l’activité, ne me presse point. Penses-tu, comme d’autres fous, que j’aie fait un pacte avec le diable pour réussir, et que je doive agir à heure fixe, de peur que le charme ne perde de sa puissance ? — Je pense seulement, milord général, que la fortune a mis entre vos mains ce que vous désiriez depuis long-temps, et que vous hésitez. »

Cromwell poussa un profond soupir et répondit : « Ah ! Pearson, dans ce monde de trouble, un homme appelé, comme moi, à faire de grandes choses dans Israël, a besoin d’être, comme disent les fictions poétiques, d’un métal endurci, inaccessible aux sentiments de la charité humaine, impassible, inébranlable. Le monde croira peut-être un jour, Pearson, que j’ai été ce que je viens de dire, un homme de fer, et fondu dans un moule de fer : ce sera faire injure à ma mémoire. Mon cœur est un cœur de chair, et mon sang est aussi doux que celui des autres. Quand j’étais chasseur, j’ai pleuré sur le héron que mon faucon jetait à terre ; je me suis affligé sur le lièvre qui criait sous la dent de mon chien. Crois-tu que ce soit une affaire de peu d’importance pour moi de mettre encore en danger la vie de ce jeune homme, quand le sang de son père est déjà sur ma tête ? Ils sont de la race des bons souverains anglais, sans doute, et ceux de leur parti les adorent comme des demi-dieux. On m’appelle parricide, usurpateur altéré de sang, pour avoir fait couler celui d’un homme afin de détourner le fléau, ou comme Achab fut tué afin qu’Israël pût de nouveau faire face à ses ennemis. Qui a dit du bien de moi depuis cette grande action ? Ceux qui y ont pris part voudraient que je fusse le bouc d’expiation ; ceux qui nous ont regardés sans nous aider agissent maintenant comme si la violence les avait réduits à l’inaction ; et quand je croyais qu’ils me couvriraient d’applaudissements pour la victoire de Worcester, dont le Seigneur m’a fait l’instrument, ils se détournent pour dire : « Ah ! ah ! le tueur de roi ! le parricide ! son séjour sera bientôt celui de la désolation. » En vérité, il est beau, Gilbert Pearson, d’ê-