Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/472

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gracieux eussent fait place à une démarche embarrassée et languissante, le noble Bévis n’avait rien perdu de son affection instinctive pour son maître. Se coucher aux pieds de sir Henri, au soleil d’été, ou près du feu en hiver, lever la tête pour le regarder, lécher de temps en temps sa main débile ou ses joues ridées, c’était pour cela seulement que cette pauvre bête semblait vivre encore.

Trois ou quatre domestiques en livrée avaient été placés là, afin de garantir leurs maîtres de la foule qui les entourait. Mais cette précaution fut inutile : l’air respectable, la simplicité sans prétention qu’on remarquait chez eux leur donnaient, même aux yeux des gens du peuple les plus grossiers, une apparence de dignité patriarcale qui commandait le respect chez tout le monde, et ils restèrent assis sur la petite éminence qu’ils avaient choisie sur le bord du chemin, aussi à leur aise que s’ils eussent été dans leur parc.

En ce moment les clairons dans le lointain annoncèrent l’arrivée du roi. On vit passer les poursuivants d’armes et les trompettes, ensuite des plumets et des habits dorés, des étendards déployés et flottants, des épées resplendissantes au soleil. Enfin, à la tête des plus nobles seigneurs de l’Angleterre, ayant à ses côtés ses deux frères puînés, on vit s’avancer le roi Charles. Il s’était déjà arrêté plus d’une fois, par bonté peut-être autant que par politique, pour adresser un mot à des personnes qu’il avait reconnues dans la foule, et les spectateurs avaient applaudi par leurs acclamations à une telle popularité ; mais quand il eut un moment arrêté ses regards sur le groupe dont nous venons de parler, il eût été impossible, quand même Alice eût trop changé pour être reconnaissable, qu’il ne se rappelât point à l’instant Bévis et son vénérable maître. Le monarque sauta en bas de son cheval et s’avança sur-le-champ vers le chevalier. La foule fit entendre une multitude d’acclamations quand elle vit Charles s’opposer de sa propre main aux faibles efforts du vieillard qui voulait se lever pour lui rendre hommage. Le replaçant doucement sur son siège : « Mon père, lui dit-il, mon père, bénissez votre fils, qui revient en sûreté, comme vous l’avez béni quand il s’éloigna de vous au milieu des dangers. — Que Dieu vous bénisse… et vous conserve ! » répondit le vieillard ému, ne pouvant contenir la violence de ses sentiments. Et le roi, pour lui donner le temps de se remettre, se tourna vers Alice.

« Et vous, lui dit-il, mon aimable guide, qu’avez-vous fait depuis notre dangereuse promenade nocturne ? Mais je n’ai pas besoin de vous le demander, » reprit-il en regardant autour de lui. « Tous