CHAPITRE IV.
LE JEUNE INDÉPENDANT.
Le lecteur ne peut encore avoir oublié qu’après son combat avec le soldat républicain, sir Henri Lee était parti avec sa fille Alice pour aller chercher un refuge dans la chaumière du vaillant garde Jocelin Joliffe. Ils marchaient lentement comme auparavant ; car le vieux chevalier n’était pas moins accablé par l’idée de voir les derniers restes de la royauté tomber entre les mains des républicains que par le souvenir de sa récente défaite. De temps à autre il s’arrêtait, et, croisant les bras sur sa poitrine, il cherchait à se rappeler toutes les circonstances qui accompagnaient son expulsion d’un château qu’il avait si long-temps habité. Il lui semblait que, comme les champions dont il avait lu les histoires, il se retirait d’un poste que son devoir lui ordonnait de garder, battu par un chevalier païen à qui le destin avait réservé la victoire dans cette aventure. Alice se livrait aussi à de pénibles souvenirs, et le sujet de sa dernière conversation avec son père n’avait pas été assez agréable pour lui donner envie de le reprendre avant que sir Henri se fût un peu calmé ; car avec un excellent caractère et beaucoup d’amour pour sa fille, l’âge, et les malheurs qui, dans ces derniers temps, s’étaient sans cesse accumulés sur sa tête, avaient donné aux passions du bon chevalier une irritabilité facile, qu’on ne lui avait pas connue dans des jours plus heureux. Sa fille et un ou deux de ses fidèles serviteurs, qui ne l’avaient pas abandonné dans sa mauvaise fortune, supportaient cette faiblesse avec patience, et ils savaient en endurer les effets avec un sentiment de compassion.