Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/126

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comme je m’y attendais, et déclaré déserteur des drapeaux de Bacchus. Lorsque j’entendis les cris et les clameurs ainsi que le bruit des grosses bottes de mes cousins, qui me poursuivaient sur l’escalier tournant que je descendais, je compris que j’allais être arrêté si je ne mettais les chasseurs en défaut. J’ouvris donc une lucarne qui donnait sur un jardin à la vieille mode, et comme la hauteur n’excédait pas six pieds, je n’hésitai pas ; je sautai, et j’entendis derrière moi les cris de « Oh ! ohé ! il est sauvé ! il est sauvé. » J’enfilai une allée, j’en traversai une autre en courant ; et me croyant alors à l’abri de tout danger et de toute poursuite, je ralentis ma course et marchai d’un pas tranquille, pour jouir de la fraîcheur de l’air que les fumées du vin que j’avais été forcé d’avaler, aussi bien que la rapidité de ma fuite, rendaient doublement agréable.

Tout en me promenant, je rencontrai le jardinier qui arrosait, et je le saluai en m’arrêtant pour le voir travailler. « Bon soir, l’ami.

— Bonsoir… bonsoir, » répondit l’homme sans me regarder, et d’un ton qui, au premier mot, annonçait son extraction écossaise.

« Voilà un beau temps pour vous, l’ami.

— On n’a pas beaucoup à s’en plaindre, » répondit l’homme avec cette réserve que les jardiniers et les fermiers mettent toujours à louer le temps le plus beau. Alors levant la tête comme pour voir qui lui parlait, il porta la main à son bonnet avec un air de respect, et ajouta : « Eh ! Dieu me garde !… ça éblouit les yeux que de voir si tard dans le jardin un beau jistocorps brodé.

— Un beau…. quoi, l’ami ?

— Oui un jistocorps… c’est une jaquette comme la vôtre, là. Ils ont autre chose à faire, eux, là-haut… c’est de la déboutonner pour faire place au bœuf, au pouding soufflé, et au bon vin sans doute… c’est ordinairement leur lecture du soir, de ce côté de la frontière.

— On ne fait pas assez bonne chère dans votre pays, mon bon ami, répliquai-je, pour être tenté de rester si tard à table.

— Ah ! monsieur, vous connaissez bien mal l’Écosse ; ce n’est pas faute de bonnes choses… Nous avons ce qu’il y a de mieux en poisson, gibier et volaille, en poireaux, carottes, navets et autres légumes ; mais nous sommes sobres et réservée sur notre bouche. Ici, au contraire, c’est un vacarme, un tumulte dans