Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/148

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instructions, à certaines personnes qui occupaient des places éminentes et de confiance en Écosse.

Après avoir entendu cette singulière accusation, je répondis que les circonstances sur lesquelles elle était fondée ne pouvaient pas autoriser un juge de paix, ni aucun magistrat, à porter atteinte à ma liberté individuelle. J’avouai que je m’étais diverti des terreurs de M. Morris pendant que nous voyagions ensemble, mais pas au point d’exciter des craintes réelles chez un homme moins soupçonneux, moins poltron. J’ajoutai que je n’avais pas revu ce voyageur depuis notre séparation, et que s’il avait été véritablement volé, je n’étais pour rien dans cette action, si indigne de mon caractère et de ma position dans le monde. Qu’un des voleurs se nommât Osbaldistone, qu’un nom semblable eût été prononcé par l’un d’entre eux, c’était une circonstance qui n’avait aucun poids. Quant à la haine qu’on m’accusait d’avoir pour le gouvernement, j’étais prêt à prouver, à la satisfaction du juge, du clerc, et du déclarant même, que je professais toutes les opinions de son ami le ministre non conformiste ; que j’avais été élevé en loyal sujet dans les principes de la révolution ; et que, comme tel, je réclamais la protection des lois, protection que ce grand événement avait assurée à tous.

Le juge s’agitait sur son siège, prenait du tabac, et semblait fort embarrassé, tandis que M. le procureur Jobson, avec toute la volubilité de son état, lisait l’ordonnance rendue dans la quatrième année du règne d’Édouard III, qui autorise les juges de paix à arrêter toutes personnes suspectes, et à les mettre en prison. Le drôle tourna même mes aveux contre moi, disant que, puisque je confessais avoir pris le ton et les manières d’un voleur ou d’un malfaiteur, je m’étais volontairement exposé aux soupçons dont je me plaignais, et soumis à l’exécution de la loi, pour avoir à dessein revêtu ma conduite des couleurs et de la livrée du crime.

Je répondis à ses arguments et à son jargon avec indignation et mépris, et je finis par dire que je pourrais, si cela était nécessaire, fournir mes parents pour caution, et que le magistrat ne pouvait rejeter ma demande sans commettre un excès de pouvoir.

« Pardon, mon bon monsieur, pardon, dit l’opiniâtre clerc ; ceci est un cas où l’on ne peut recevoir de caution ; celui qui est arrêté comme soupçonné de trahison ne peut recouvrer la liberté sous caution, car l’arrêt rendu dans la troisième année du règne