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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/211

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d’ignorance et de bigoterie pour lui faire attribuer du pouvoir sur les esprits. Il entendait le grec, le latin, l’hébreu : aussi, comme le disait son frère Wilfred, il n’avait pas besoin d’avoir peur des revenants, des diables ou des lutins. Les domestiques assuraient même qu’ils l’avaient entendu faire conversation dans la bibliothèque quand tout le monde était couché au château, qu’il passait la nuit à veiller avec des revenants, et la matinée à dormir au lieu de conduire les chiens comme un digne Osbaldistone.

J’avais entendu répéter ces bruits absurdes, et, comme on le pense bien, j’en avais ri. Mais la solitude dans laquelle cette chambre mal famée était laissée chaque soir après le couvre-feu, était pour moi une nouvelle raison de ne point aller trouver miss Vernon quand elle s’y retirait.

Pour en revenir à ce que je disais, je ne fus pas surpris de voir de la lumière dans la bibliothèque ; mais je fus étonné de voir distinctement les ombres de deux personnes la traverser et passer entre la lumière et la première fenêtre, qui resta alors dans l’obscurité. C’est sans doute la vieille Martha, pensai-je, que Diana a engagée à lui tenir compagnie ce soir, ou bien je me suis trompé, et j’aurai pris l’ombre de Diana pour une seconde personne. Non, par le ciel !… je les vois encore à la seconde fenêtre… deux personnes distinctes ; elles disparaissent encore… les voici à la troisième fenêtre… À la quatrième. Qui peut être avec Diana à cette heure ? Les deux ombres passèrent deux fois de suite entre la lumière et les fenêtres, comme pour me convaincre pleinement que je ne m’étais pas trompé ; puis les lumières s’éteignirent, et je ne vis plus rien.

Quelque frivole que fût cette circonstance, elle m’occupa long-temps. Je ne pouvais supposer que dans mon amitié pour miss Vernon il entrât quelque vue personnelle, et cependant on ne saurait croire combien je fus affecté de l’idée qu’elle accordait à quelqu’un des entrevues particulières à une heure et dans un lieu où je lui avais fait entendre, par délicatesse, qu’il n’était pas convenable que je l’allasse trouver.

« Femme folle et incorrigible ! me dis-je à moi-même, avec qui tous les avis et toute délicatesse sont perdus ! je me suis laissé tromper par ses manières simples, qu’elle peut prendre sans doute aussi facilement qu’elle prendrait un chapeau de paille à la mode pour faire parler d’elle. Malgré la supériorité de son esprit, je crois