Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/27

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ou par celle de l’intelligence : c’est une loi de Dieu à laquelle il faut nous soumettre.

« D’après cela, ajoutait Rob, on ne saurait contester mon droit ; et puisque la vie la plus longue s’écoule comme une journée, pour atteindre mon but et maintenir mes droits, je prendrai le plus court chemin. »

Et Rob vécut au milieu des rochers ; il vécut exposé au soleil des étés, à la neige des hivers. L’aigle seul était roi dans les cieux, et Rob était roi dans la plaine.


Nous n’irons pourtant pas jusqu’à supposer que le caractère de ce fameux proscrit fût celui d’un véritable héros, agissant toujours, et en conscience, d’après les principes de morale que l’illustre barde, qui s’est assis près de sa tombe, lui prête pour défendre sa mémoire. Au contraire, et l’on peut en dire autant de tous les chefs barbares, Rob-Roy mêlait à ses beaux principes une bonne dose de fourberie et de dissimulation. Sa conduite durant la guerre civile suffit pour le prouver. On dit encore, et avec raison, que, bien que la politesse fût un de ses traits les plus caractéristiques, il avait parfois une arrogance qu’enduraient difficilement les hommes fiers auxquels il s’adressait, et qui attirait à l’audacieux proscrit de fréquentes querelles d’où il ne sortait pas toujours avec honneur. Delà on a conclu que Rob-Roy était plutôt un fanfaron qu’un héros, ou du moins que, suivant une expression devenue vulgaire, « il était brave un tel jour. » Quelques vieillards, qui l’avaient bien connu, l’ont aussi représenté comme plus brave dans un taichtulzie (combat en pleins champs) que dans un combat corps à corps. Sa vie entière suffit pour repousser cette accusation ; il faut avouer cependant que, dans sa situation, la prudence lui commandait d’éviter des querelles où il n’y avait que des coups à gagner, et qui, fût-il vainqueur, lui auraient suscité de nouveaux et puissants ennemis, dans une contrée où la vengeance passait plutôt pour un devoir que pour un crime. Le pouvoir de commander à ses passions en pareilles circonstances, loin d’être incompatible avec le rôle que Mac-Gregor avait à jouer, était essentiellement nécessaire à l’époque où il vivait ; sinon il n’eût pu suivre sa carrière.

Je dois rapporter ici un ou deux faits qui semblent venir à l’appui de l’accusation dirigée contre Rob-Roy. Mon vénérable ami, feu John Ramsay d’Ochtertyre, non moins célèbre pour ses études classiques que pour la collection des pièces authentiques qu’il a