Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/306

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parente tranquillité, donne au crime un aspect plus hideux encore, car elle le montre comme le résultat d’une froide préméditation. Malgré son vif désir de sortir vainqueur de ce combat, il ne fut pas un seul instant hors de garde, et se tint constamment sur la défensive, tout en méditant les coups les plus mortels.

Je soutins d’abord le combat avec modération. Mes passions, quoique violentes, n’étaient pas haineuses, et les deux ou trois minutes qui s’étaient écoulées en marchant avec Rashleigh, m’avaient donné le temps de réfléchir qu’il était le neveu de mon père, le fils d’un oncle qui, à sa manière, m’avait témoigné de l’amitié, et que s’il tombait sous mes coups, cet événement ne pouvait causer que beaucoup de chagrin dans la famille. Ma première résolution avait donc été de désarmer mon antagoniste, manœuvre à laquelle, plein de confiance dans la supériorité de mon expérience et de mon adresse, je ne m’attendais pas à trouver beaucoup de difficultés. Mais je m’aperçus bientôt que j’avais affaire à forte partie, et deux ou trois passes dangereuses auxquelles j’eus de la peine à échapper m’avertirent de mettre plus de prudence dans ma manière de combattre. Par degrés je me sentis exaspérer par l’acharnement avec lequel Rashleigh semblait en vouloir à ma vie, et je lui rendis ses attaques avec une animosité presque égale à la sienne, de façon que l’issue du combat menaçait d’être tragique ; elle pensa bientôt l’être à mes dépens. Mon pied glissa en portant une botte à mon adversaire, et je ne pus me relever assez tôt pour être prêt à la riposte ; son épée, traversant ma veste, m’effleura seulement les côtes et ressortit par le dos de mon habit ; mais le coup avait été porté avec tant de force, que la garde me frappa la poitrine avec une violence qui me causa une vive douleur, et me fit croire que j’étais mortellement blessé. Altéré de vengeance, je saisis de la main gauche la poignée de son épée, et relevant la mienne j’allais la lui passer à travers du corps, quand un homme se jetant au milieu de nous, nous sépara de vive force, en s’écriant d’une voix haute et imposante : Quoi ! les fils de deux frères qui ont sucé le même lait, répandent ici leur sang comme s’ils étaient étrangers l’un à l’autre ! Par la tête de mon père, le premier qui portera un autre coup périra de ma main. »

Je levai des yeux étonnés ; c’était Campbell. Tout en parlant, il brandissait un sabre nu autour de sa tête, comme pour donner plus de force à sa médiation. Rashleigh et moi le regardions en silence. Alors Campbell, s’adressant à chacun de nous successi-