Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/61

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consentirait volontiers, en attendant mieux, à tirer parti de son habileté à dompter et à élever les chevaux, ou de son talent comme chasseur et oiseleur. Un Anglais peut sourire, mais un Écossais soupirera en lisant le post-scriptum où le pauvre exilé mourant de faim demande à son patron de lui prêter une cornemuse, afin qu’il puisse jouer quelques airs mélancoliques des Highlands. Mais la musique tire ses effets de nos sympathies, et des sons qui feraient crisper les nerfs d’un habitant de Londres ou de Paris, rappellent au montagnard ses sombres montagnes, ses airs sauvages, et les exploits de ses pères de la vallée. Pour prouver combien Mac-Gregor a droit à la compassion du lecteur, nous citerons la fin de la lettre dont nous parlons :

« Il semble véritablement que je sois né pour le malheur, mes infortunes ne paraissent pas devoir jamais finir. Tel est le misérable état où je me trouve réduit, que je ne sais plus où aller ni que faire en ce monde ; mon corps et mon âme sont également privés de nourriture ; tout l’argent que j’ai apporté ici se monte à treize livres, et j’ai repris une chambre dans mon ancien quartier, à l’hôtel Saint-Pierre, rue des Cordiers. Je vous prie de me faire savoir par le porteur de cette lettre si vous serez bientôt en ville, pour que j’aie le plaisir de vous y voir ; car je ne puis m’adresser à personne autre qu’à vous : telle est ma détresse, que, s’il vous était possible de me trouver une occupation qui me mît à l’abri de la mendicité, je m’estimerais fort heureux. C’est probablement un cas qui présente de grandes difficultés ; mais, s’il en était autrement, peut-être ne vous en occuperiez-vous point, car votre forte tête aime à conduire des affaires beaucoup moins aisées et bien plus importantes que celle-ci. Si vous faisiez part de ma demande à M. Butler, peut-être pourrait-il me trouver une place, puisque je sais élever et monter les chevaux aussi bien que personne en France, sans compter que je suis habile chasseur soit à cheval, soit à pied. Jugez de ma détresse, puisqu’aucun emploi ne me paraît trop bas s’il vient seulement diminuer mes maux. Je suis fâché d’être obligé de vous donner tant de peine, mais j’espère que vous croirez à la sincérité de ma reconnaissance pour tout ce que vous avez fait pour moi, et je vous établis juge de ma pitoyable situation.

« Je suis et je serai toujours, mon cher chef,

« Votre soumis serviteur,
« J. Mac-Gregor. »