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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/103

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N’en reconnoître aucune, & dominer partout.
À votre âge, Madame, on est fort de ce goût.

Léonore.

Oui, je sçais qu’une femme aime un peu trop à plaire ;
C’est de l’âge où je suis la foiblesse ordinaire.
Dans l’arriere-saison, on ne fait qu’en changer ;
Du monde qui nous quitte on cherche à se venger,
Du plaisir qui nous fuit, des défauts qu’on regrette,
Auxquels on voudrait bien être encore sujette.
Alors, par désespoir & par nécessité,
On se masque ; l’on prend un air d’autorité ;
On se croit vertueuse en voulant le paroître,
Tandis qu’au fond du cœur, on néglige de l’être ;
Qu’au contraire on se fait un plaisir inhumain
De nourrir son orgueil aux dépens du prochain.
L’esprit de charité paraît une foiblesse ;
Et la mauvaise humeur prend le nom de sagesse :
Ainsi chaque âge apporte un travers différent.
On échange un défaut contre un autre plus grand ;
Et l’on corrige un vice avec un autre vice.
Mais je veux vous forcer à me rendre justice.
Un mot vous suffira, pour voir quel intérêt
Je dois prendre à Damon.

Orphise.

Je dois prendre à Damon.Voyons donc ce que c’est.

Léonore.

Apprenez que Damon ne peut être à Julie.

Orphise.

Qui l’en empêchera ? Pourquoi donc, je vous prie ?