Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/119

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Orphise.

Une fille aisément se prévient, & s’entête ;
Et veut mal-à-propos se choisir sa conquête.
Je subis, à votre âge, un hymen plus fâcheux :
J’en ai fait un second plus conforme à mes vœux :
Et bien, je vous dirai qu’ils reviennent au même.

Léonore.

Hélas ! pour éviter une infortune extrême,
À quel triste moyen n’ai-je pas eu recours ?
Que ne me laissoit-on finir mes tristes jours ?
J’avois passé douze ans ignorée & tranquille :
Devois-je consentir à quitter mon asyle,
Pour venir retrouver celui que je fuyois ?
Sainflore n’étoit plus ; du moins je le croyois ;
Il ne m’en resta pas la moindre incertitude.
C’est-là ce qui me fit quitter ma solitude.
J’ai cru renaître. Hélas ! je n’avois point vécu.
Le plus beau de ma vie avoit été perdu ;
Et l’amour en devoit empoisonner le reste.
Damon vint dans ces lieux. C’est l’époque funeste
Du plus grand de mes maux. Mon cœur en fut blessé.
Je crus pouvoir aimer. Mon cœur s’est trop pressé.

Orphise.

Il faudra bien éteindre une flamme importune.
Et d’ailleurs, quelle est donc cette grande infortune ?

Léonore.

C’est d’avoir cru pouvoir disposer de mon cœur.
Mais enfin, sous ce nom, qu’au moins pour mon bonheur