Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/173

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Mais, de grace, achevez de me tirer d’erreur ;
Ma niéce est votre amie, & je lui sers de pere.

Constance.

Elle mérite bien de nous être aussi chere.

Argant.

Oui ; mais on a pris soin de lui gâter l’esprit.
Damon & votre époux en sont dans un dépit…
Qui peut donc avoir mis dans son cœur trop crédule
Cet effroi mal fondé, ce dégoût ridicule,
Cette aversion folle, & ces airs de mépris
Qu’elle a pour l’hymenée ? Où les a-t-elle pris ?
À son âge on n’a point de chimeres pareilles
À celles dont elle a fatigué mes oreilles.
Au contraire, une Agnès se fait illusion,
Et savoure à longs traits la douce impression
Que son cœur enchanté reçoit de la Nature ;
Elle ne voit l’hymen que sous une figure,
Qui, loin de l’effrayer, irrite ses désirs ;
Et ce portrait est fait par la main des Plaisirs.
Mais toutefois Sophie en est intimidée.
Madame, si ma niéce en prend une autre idée,
C’est l’effet des sujets de chagrin & d’ennui
Que vous lui débitez contre votre mari.

Constance, à part.

Mon malheur ne m’épargne aucune circonstance.
(haut.)
Apprenez donc, monsieur, la façon dont je pense,
Et vous persisterez après, si vous l’osez,
Dans l’accusation que vous me supposez.