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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/379

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Aramont.

Le coup dont tu gémis est celui qui m’accable.
Viens, cher ami, fuyons un siécle trop coupable ;
Sous un Ciel étranger, allons vivre pour nous ;
Pourvû que je te suive, il me sera trop doux.
De ma foible fortune accepte le partage.
Que ne m’est-il permis de t’offrir davantage !

Monrose.

Hélas ! je puis devoir beaucoup plus à tes soins.
Écoute : je suis quitte ; & je n’en dois pas moins
À l’auteur inconnu d’un aussi grand service.
Cherche à le découvrir ; rends-moi ce bon office.
Le soin de m’acquitter est mon premier devoir.
Mais au destin d’Hortence il faut aussi pourvoir.
À ce nom, cher ami, tu vois couler mes larmes.
Ah ! quand mon cœur seroit insensible à ses charmes,
Pourroit-il n’être pas sensible à la pitié ?
Par tout ce que t’inspire une vive amitié,
Ôte-moi de l’horreur où son état me plonge.
C’est-là mon plus grand mal. Le reste n’est qu’un songe.
Je mourrois mille fois ; & je n’ai plus que toi
Qui puisse dissiper un aussi juste effroi.
Cher ami, sauve-moi dans un autre moi-même :
D’une indigne détresse affranchi ce que j’aime ;
Répare sa ruine autant qu’il m’est permis ;
Emploie en sa faveur ce que je t’ai remis :
Et sur-tout si tu crains, comme je dois le croire,
Si tu crains de souiller ton honneur & ma gloire,
À tel prix que ce soit, remets-lui ses bienfaits ;
Alors j’accepterai l’offre que tu me fais.