Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/59

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Mais au contraire, je me prête ;
En faveur des beautés, je fais grace aux défauts.
Trop de délicatesse est souvent indiscrette.
Un dégoût général désigne un esprit faux.
Qui n’est jamais content, n’est pas digne de l’être.
Tel épluche un ouvrage, en croyant s’y connoître ;
Et trouve des défauts par-tout,
Qui ne sont bien souvent que dans son propre goût.

Le Critique.

Ah ! Vous êtes trop bon.

Le Génie.

Ah ! Vous êtes trop bon.Et vous, trop intraitable.
Je n’ai rien à vous demander.

Le Critique.

Cependant je puis vous aider
À donner un spectacle un peu moins détestable.
Je connois le public. Il est malin, cruel ;
Il aime à voir la bile avec le fiel.
Quittez tout autre goût ; embrassez la Critique ;
Armez-vous de ses traits ; devenez satyrique.
Ce genre a trouvé du crédit ;
On l’a rendu facile : Il y faut moins d’esprit.

Le Bon-Sens.

La Critique, autrefois moins âpre & moins amere,
Instruisoit les auteurs, sçavoit les redresser ;
Comme on voit une tendre mere
Corriger des enfans qu’elle craint de blesser.
Alors, elle pouvoit briller sur le Théâtre :
Mais son utilité n’a pas duré long-tems ;