Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/67

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Le Petit-Maître.

Oui, l’affluence est tout ce qui m’est nécessaire.
Je jette, en arrivant, un coup d’œil circulaire.
Nous ne valons qu’autant que nous nous faisons voir,
Si quelque femme d’importance,
Fiere d’être à la Cour un peu sur le trottoir,
Veut éluder ma révérence,
Je me fais un plaisir d’abaisser son orgueil
Jusqu’à me saluer : Je fais la guerre à l’œil,
Je le tiens en arrêt, & je m’opiniâtre
Tant, qu’au milieu d’un Acte enfin l’on m’apperçoit.
Je me leve, on me rend le salut qu’on reçoit ;
Cela fait un coup de théâtre.

Le Génie.

Et la Piéce ?

Le Petit-Maître.

Et la Piéce ?Elle va son train, & moi, le mien.

Le Génie.

Sans qu’elle vous occupe en rien ?
Car vous n’êtes pas homme à prendre la fatigue
D’entrer dans les détails, & d’en suivre l’intrigue.

Le Petit-Maître.

L’intrigue ! Ah ! par sambleu, l’Auteur peut arranger
La sienne pour le mieux. J’ai la mienne à songer.
Avant qu’on soit au fait des nouvelles courantes,
Que l’on ait décliné vingt femmes différentes,
À qui, de loge en loge, on va faire sa cour,
Et qu’on ait au foyer été faire son tour,
La Piéce est aux abois ; le dernier Acte expire.