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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/158

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Angélique.

Quoi ?Si vous m’en croyez, sans trop précipiter,
Vous attendrez encore à vous en acquitter.

La Gouvernante.

Pourquoi ? (à part.) Dissimulons.

Angélique.

Pourquoi ? Dissimulons.C’est qu’il faut que j’y pense.
Mettez-vous à ma place en cette circonstance ;
Il s’agit de quitter, & d’abandonner tout.

La Gouvernante.

Le monde vous doit-il inspirer tant de goût ?
Se peut-il qu’à vos yeux il offre tant de charmes
Pour préférer d’y vivre au milieu des allarmes,
Et de l’incertitude où je vois votre sort ?
Lorsqu’à l’abri de tout, tranquille dans le port,
On peut, ainsi que vous, se rendre fortunée,
Faut-il mettre au hasard toute sa destinée ?
On ne doute de rien dans le cours des beaux jours,
On croit que l’avenir y répondra toujours.

Angélique.

Je m’en flatte. Calmez vos frayeurs indiscrettes.

La Gouvernante.

Vous vous éblouissez de l’état où vous êtes ;
Et s’il vient à changer, que ferez-vous alors ?
Le néant est caché sous de si beaux dehors ;
La Baronne vous aime, & j’en suis convaincue ;
Mais d’un moment à l’autre, une mort imprévue
Peut, en vous l’enlevant, vous laisser sans espoir.