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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/163

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Est-ce là, de sa foi, le garant immortel ?
Dès que nous le pourrons, nous irons à l’autel,
confirmer, en secret, cette union parfaite…
vous en serez témoin… Êtes-vous satisfaite ?
Sur-tout, ne dites rien de ma félicité ;
Gardez bien le secret.

La Gouvernante.

Gardez bien le secret.Cette nécessité
De vous envelopper des ombres du mystere,
Auroit dû vous donner un remords salutaire.
Voyez quel est l’abîme où vous vous enchaînez !
Ces nœuds défectueux, toujours infortunés,
Sont un piège couvert d’une fausse espérance,
Un écueil invisible aux yeux de l’innocence,
Et qu’elle n’aperçoit que lorsqu’il n’est plus tems.
Ah ! pourquoi voulez-vous l’apprendre à vos dépens
Eh ! n’est-on pas assez à plaindre quand on aime ?
Un Amant n’est déjà que trop fort par lui-même,
Sans lui fournir encor des titres & des droits,
Dont on a vu l’amour abuser tant de fois.

Angélique.

Je ne serai jamais dans ce cas déplorable.

La Gouvernante.

La sagesse n’est pas toujours inaltérable ;
C’est en vain qu’on se flatte, & qu’on croit être sûr
De ne brûler jamais que du feu le plus pur ;
Malgré soi-même, enfin, l’on manque à sa promesse,
Et l’on cede, par force, à sa propre foiblesse :
Tout se découvre alors, un nœud si criminel
Ne laisse, en se brisant, qu’un opprobre éternel.