Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/119

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fantaisies ; une haine implacable pour tous les gens qui m’aimoient, et que j’aimois, un soin curieux de présenter à ma vue tous ceux que je ne pouvois souffrir, et de corrompre ceux en qui je me fiois le plus, pour savoir mes secrets, si j’en eusse eu ; une application infatigable à me decrier partout, et donner un tour criminel à toutes mes actions ; enfin, tout ce que la malignité de la cabale bigote peut inventer et mettre en œuvre dans une maison où elle domine avec tyrannie, contre une jeune femme simple sans égard, et dont le procédé peu circonspect donnoit tous les jours de nouvelles matières de triomphe à ses ennemis.

Je me sers hardiment du mot de cabale bigote, car je ne crois pas que les plus rigoureuses lois de la charité chrétienne m’obligent de présumer que les dévots, par qui M. Mazarin s’est gouverné, soient du nombre des véritables, après avoir dissipé tant de millions. Et c’est ici l’article fatal qui a poussé ma patience à bout, et qui est la véritable origine de tous mes malheurs. Si M. Mazarin s’étoit contenté de m’accabler de tristesse et de douleur, d’exposer ma santé et ma vie à ses caprices les plus déraisonnables, et de me faire enfin passer mes plus beaux jours dans une servitude sans exemple, puisque le Ciel me l’avoit donné pour maître, je me serois contentée de gémir et de m’en plaindre à mes amis. Mais quand je vis que, par ses dissipations incroyables, mon fils, qui devoit être le plus riche gentilhomme de France, couroit risque de se trouver le plus pauvre, il fallut céder à la force du sang, et l’amour maternelle l’emporta sur toute la modération que je m’étois proposé de